Jehan-Erhard de Reinach, lointainement apparenté aux seigneurs de Montreux, est le mari d'Apolline de Grandvillars, fille de Jehan-Jacques de G. et demi-sœur de Jehan-Conrad de G., tous deux seigneurs de Grandvillars, le premier sans descendance mâle légitime et le second mort sans enfant. On trouve encore deux personnes portant le patronyme de "de Grandvillars" (ou Grandvillers) parmi les sujets de la seigneurie : Nicolas et Pierre, qui sont des frères bâtards d'Apolline (pour leurs biens non nobles, probablement) ; leur mère est Marie Mouhat, qui figure également dans le terrier.
Le terrier est précédé du préambule suivant :
Nature du document
Dans la théorie, un terrier est "... recueil de fois et hommages, aveux et dénombrements, déclarations et reconnaissances, passés à une seigneurie par les vassaux, censitaires, emphythéotes et justiciables" (1). Mais, dans la pratique, c'est essentiellement " ... un registre contenant le dénombrement des déclarations des particuliers qui relèvent d'une seigneurie, et le détail des droits, cens et rentes qui y sont dus"(2).
Les propriétaires d'héritages tenus en roture sont astreints à une déclaration ou reconnaissance à terrier qui n'est en fait que le renouvellement du bail à cens par lequel le seigneur a cédé (ou est considéré avoir cédé) à un particulier un héritage à charge d'un cens convenu(3).
Destiné à garantir les droits de chacun, le terrier constitue théoriquement un document d'archives : il ne peut servir directement au recouvrement des redevances, ne serait-ce que par souci de sa conservation. Acte notarié authentique, il ne doit d'autre part recevoir aucune correction ni modification. Toute mise à jour étant impossible, le terrier, s'il conservait sa valeur en cas de contestation, ne donnait bientôt qu'une image dépassée de la seigneurie et s'affirmait en conséquence peu commode au regard des nécessités quotidiennes de la gestion seigneuriale(3). Souvent, il se double donc de documents plus pratiques, modifiables, permettant aux agents seigneuriaux la tenue à jour des mutations par simple annotation en marge. Ces documents n'ont pas été conservés pour la seigneurie de Grandvillars.
Dans ce document sont mentionnés 3 types de redevances :
1) Les poules Il s'agit d'un vestige de l'ancien servage et elles sont payées à l'origine en raison de la naissance (dans la seigneurie). Mais leur assiette a évolué suffisamment pour qu'elles figurent dans un terrier ; et les redevances sont devenues très inégales. Le paiement peut être fait en nature ("poules caquetantes") ou en argent.
2) Les tailles Elles sont "les reconnaissances qu'ont les habitants envers leur seigneur en raison de l'abandon qui leur a été fait des terres qu'ils exploitent lesquelles appartenaient au seigneur" ; elles sont donc théoriquement proportionnelles à la surface et la qualité des terres tenues par chaque exploitant. C'est donc une sorte d'impôt foncier dont sont exempts les terres nobles et d'église(4). La taille est souvent définie par communauté, donc le terrier ou le tailler (terrier restreint aux tailles) sont surtout utiles aux villageois pour son équitable répartition.
3) Les cens (ou censes) Ce sont des redevances pesant sur des terres pour des raisons anciennes et diverses (par exemples terres issues d'un défrichage). Ils sont d'un poids variable mais en général assez faibles(4).
Il existerait encore deux types d'impôts seigneuriaux à versement
réguliers qui, par leur nature, ne sont pas mentionnables dans un terrier
:
- les corvées, individuelles,
- les dîmes, basées sur des produits de la terre : ce sont des
droits de nature ecclésiastique mais leur possesseur, ou décimateur, est
souvent un laïc.
Si les poules sont annuelles, les tailles et les censes sont dues 2 fois par an. - pour les cens, à la St. Jean et à Noël - pour les tailles, à Carême, et, sans doute en automne ; elles portent alors le curieux nom de "tailles Darbaulx".
Difficultés présentées par ce document
Le texte de ce document est particulièrement soigné ; on peut penser que l'ouvrage présentait un caractère prestigieux pour le seigneur qui en a commandé la constitution. Sa lecture est plutôt facile pour un texte de cette époque : langue plutôt moderne, pas ou peu d'abréviations, et calligraphie soignée. Nous avons rencontré néanmoins deux types de difficultés : les autres, aisément résolubles, sur la forme, les autres, pas entièrement résolues, sur le fond. Les premières font l'objet d'un article se rattachant au thème de la paléographie, les secondes d'un article en projet.
Index des déclarants
Les déclarations individuelles (ou par feu) sont précédées d'un bel index (par ordre alphabétique des prénoms) qu'il nous a semblé intéressant de présenter ici (tableau réalisé par Michel F. que nous remercions)Table pour treuver les noms despersonnesspécifiés au présentLivre
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(1) Il s’agit des menandiers (mot synonyme de marguilliers) c’est-à-dire des membres du conseil de fabrique
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Les gros "doibgeans"
De nos jours, on nomme contribuables les propriétaires assujetis à l'impôt ; une fois leur dû précisé, ils deviennent toutefois des redevables, ce qui est plus contraignants. Le mot utilisé à la fin du XVIème siècle provient également du verbe devoir : le terrier les appelle les "doibgeants".Le dépouillement achevé, il était possible de déterminer quels étaient les villageois assujettis aux impôts seigneuriaux les plus élevés. Ce
sont probablement aussi les plus aisés.
Voici le résultat, dans l'ordre décroissant, sans tenir compte des poules :
MOUHOT | Pierre | 6l 17s 8d + 1 poule tous les 3 ans + 2 poules avec ses partages | |
MOUHOT | Anthoine | 5l 13s 1d + 3 poules | |
CHEPPUIS | Jehan Conrad | 5l 11s 10d + 2 poules + 1 poule tous les 3 ans + 1 poule tous les 6 ans | |
VALLANS | Perrin | 5l 2s 3d + 1 poule | |
GARITE | Nicola | 4l 17s 9d + 8 poules tous les 6 ans | |
GUILLAME | Adam | 3l 12s 11d + 1 poule avec ses partages + 2 poules tous les 3 ans | |
FERRIAT | Jehann | 3l 9s 10d | |
GRILLON | Anthoine | 3l 2s 5d + 1 poule tous les 3 ans | |
CARRILLON | Jehan le jeune | 3l 10d + 3 poules + 3 poules tous les 9 ans | |
MARION | Guillome | 3l 3d | |
CALEMELET | Henemand | de Thiancourt | 3l + 1 poule + 1 poule tous les 2 ans |
On constate que la famille Mouhot est la plus nantie ; elle conservera cette position, au moins jusqu'à la Révolution.
- Encyclopédie, 1765
- Répertoire universel et raisonné de jurisprudence... par M. le comte Merlin [Merlin de Douai]. Paris, 1812-1825
- Soboul Albert. De la pratique des terriers à la veille de la Révolution. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 19e année, N. 6, 1964
- Dattler Philippe. Le comté de Belfort 1659-1791. Besançon, 1984
Cette archive est entièrement dépouillée ; en a réalisé le dépouillement.
individus ont été relevés dans actes.
Ce dépouillement est en ligne sous le titre "Grandvillars, terrier de la seign. 1597".