Cette archive pose plus de questions qu'elle n'apporte de réponses.
Contrairement à son classement dans l'inventaire du 8B (archives de la seigneurie de Delle), il ne s'agit en effet pas d'un registre d'audience, mais d'un registre de compte de la justice. Il se pourrait même qu'il concerne plutôt le magistrat de Delle (pour la plupart des justiciables, la résidence n'est pas mentionnée, ce qui porte à croire qu'il sont bourgeois de Delle), ce qui le ferait alors relever du 9B.
Ce compte de justice, s'il n'apporte guère de données généalogiques, se distingue ainsi par l'originalité de son contenu.
Il est incomplet (les 1ères pages manquent) et porte sur la période avril - décembre 1630, vers la fin donc de l'époque autrichienne.
Sur cette période se tiennent une vingtaine d'audiences (toujours un mardi). Les sommes imputées sont des droits (dépens) imposés à des justiciables.
La formulation générale est la suivante :
"X pour un ... contre Y - N sols".
L'audience se termine par le solde du compte, où figure souvent un terme germanique :
"La présente justice se monte, comprise les Gastegericht (acte concernant des non-résidents), à ..."
Il s'agit clairement de taxes, ou de droits, qui reviennent à la justice (aux juges) et non pas des amendes elles-mêmes, qui reviennent au suzerain (le seigneur, pour la seigneurie, la ville, pour le magistrat).
Par exemple, on voit ici que Maurice Fusier a été condamné à une amende de 60 sols, sur laquelle se porte un droit de 3 sols pour la justice (5%).
Il s'agit donc de rémunérer les juges ou autres agents de justice : le clerc qui rédige les documents judiciaires, le voible qui organise les instances...
Les motifs des dépens sont souvent difficiles à interpréter :
- le motif le plus courant est le défaut (premier ou second) : l'une des parties ne s'est pas présentée, et se trouve ainsi taxée ; le montant est la plupart du temps de 3 sols.
- on trouve aussi fréquemment la simple mention d'un "droit" ou d'un "plain (plein) droit" ; le premier se monte généralement à 1 sol et l'autre à 3 sols. Il s'agit probablement de la rémunération des juges pour leur sentence. À quoi se réfère le "plein" droit ?
- "re-créance et mainlevée" : la mainlevée met fin à une saisie, ou la suspend, la recréance, qui l'accompagne, ré-accorde la propriété du bien à son titulaire.
- cogneue : le glossaire des patois de Suisse Romande nous donne "jugement, décision d’un tribunal, avis demandé à une assemblée" ; il s'agit probablement de cas où les juges ne peuvent prendre une décision immédiate, et où un conseil ou une délibération s'impose.
- appellation : probablement la rédaction de la lettre destinée à la juridiction d'appel, auprès du "haut châtelain" de Delle, représentant le seigneur.
- pour une plainte (rédaction ?),
- pour l'imposition de mettre un garant (1er ou 2nd),
- pour "barre" et "débarre" : mise sous séquestre, mainmise sur un bien, et levée de la séquestre,
- une "déviance" sur... : il peut s'agir du non-respect des bornes, ou d'autres règlementations : "Henry Vieney comme hoste, pour déviance sur son pain & vin" (ici).
- un nonchol ; aucune référence sur ce terme,
- une "réparation",
- une "lettre de passement" (expédition de jugement confirmant des saisies immobilières),
- une lettre de sentence : dans ces deux cas, il s'agit de la rémunération du clerc de justice.
On trouve trace de ces droits judiciaires dans les "réformations de la justice de Delle" du terrier de 1664 (3E 931) (notre article). Par exemple, si une plainte concernant une rixe en la ville est déposée devant la justice seigneuriale, alors qu'elle concerne celle de la ville, la partie plaignante est, comme ci-dessus, condamnée à 60 sols d'amende, dont 3 pour les juges.
Mais on ne retrouvera peu de similitudes avec ce qui précède, puisque seules sont mentionnées en 1664 les modifications des coutumes.
177 : 1740-1755