Dès sa fondation en 1105, le prieuré de Froidefontaine avait reçu de nombreuses donations qui assuraient ses revenus, en particulier à Bavilliers (1). Mais le prieur Pierre de Lille a dû batailler ferme, de 1426 à 1437, pour tenter de retrouver quelques-uns des titres et actes de possession, détruits ou perdus par les guerres (Historique et Annexe).
C'est la construction d'un moulin sur la Douce, sans doute en remplacement d'un autre trop vétuste, qui fait l'objet du présent procès devant la justice de Belfort, car les seigneurs d'Essert affirmaient avoir un droit d'eau sur la rivière, incluant la chasse, la pêche et l'exploitation d'un moulin. La justice est tenue par le sire de Morimont, seigneur engagiste.
Ce procès fait l'objet de ce superbe parchemin, au format 66 x 45 cm, avec 87 lignes serrées, en français et en latin.
- 1. Les possessions du prieuré de Froidefontaine
- 1-1. Historique
- 1-2. Le "moulin des preilz"
- 2. Transcription et analyse du document
- 2-1. Plan du document
- 2-2. Transcription
- 2-3. Adaptation en français moderne
- 2-4. Références
- 2-4-1. Références juridiques
- 2-4-2. Dates citées
- 2-5. Personnes citées
- 2-6. Anecdotes
- 3. Conclusion
- 4. Annexe (vers 1460)
- Notes
En 1105, Ermentrude, veuve de Thierry II de Montbéliard, sœur du pape Calixte II et de l'archevêque de Besançon Hugues II (2), fonde un prieuré à Froidefontaine (l'original est dans le cartulaire de Cluny ; il en existe trois autres versions, qui sont des faux, cf. 3).
Pour assurer des ressources à celui-ci, elle lui donne des biens qui lui venaient de son père, Guillaume de Bourgogne, et elle place ce prieuré sous l'autorité de Hugues de Semur, abbé de Cluny, et sous la règle de saint Benoît.
L'abbaye de Cluny est alors au faîte de sa puissance, et ce n'est pas rien : selon des privilèges accordés en effet par plusieurs papes et confirmés encore en 1100, le monastère et tous les établissements de l'Ordre de Cluny, y compris les prieurés avec leurs biens, sont exempts, c'est-à-dire échappent à toute juridiction autre que celles du pape et de l'abbé : "Que jamais aucune personne, petite ou grande, aucun pouvoir, archevêque, évêque, roi, duc, marquis, prince ou comte" n'exerce sur eux aucune autorité ; en matière ecclésiastique, même l'évêque du lieu doit respecter cette immunité (4). Les moines ont en outre le droit de lever des dîmes sur ces biens, auxquels s'ajouteront plus tard de nombreuses terres à Bavilliers.
La situation dure ainsi pendant plusieurs siècles, sans que nous en connaissions beaucoup de détails. L'histoire du prieuré n'a été écrite que de seconde main (J. Joachim, BSBE 1970), et reste très incomplète. Il a dû être souvent touché par les guerres des XVe et XVIe siècles (Bourguignons en 1431, Ecorcheurs en 1439, Armagnacs en 1445 …).
Mais des documents encore inédits se révèlent particulièrement importants pour cette époque : ainsi le précieux cartulaire du prieuré (AD68, 1D 25, voir Annexe) contient un récit des malheurs des années 1426-1437.
Encore en 1525, le prieuré est pillé lors de la révolte des Paysans qui affecte toute la région, et s'en remet difficilement.
Au XVIIe siècle, la décadence de l'Ordre de Cluny, alors en pleine crise, est telle que l'abbé le cède à bail, le 9 avril 1626, à l'abbaye de Lucelle (AD68, 1C 4010), qui appartient à l'Ordre concurrent, celui des Cisterciens.
Pas pour longtemps : l'archiduc Léopold, qui veut installer les Jésuites en Haute Alsace pour aider à la Contre-Réforme et faire pièce aux tentations protestantes, leur fait donation des biens des prieurés en déshérence dans la province.
En 1636 (AD68, 1D sup 17), Froidefontaine et ses dépendances passent donc aux Jésuites d'Ensisheim – union autorisée par Louis XIV le 22 août 1661 (AD68, 1D 3).
Après la suppression de l'Ordre des Jésuites, leurs biens passent au Collège royal de Colmar (6 septembre 1765, 1D 2), et ils le restent jusqu'à la Révolution. Les lieux-dits à Bavilliers "Bois des moines" (ceux de Cluny étant appelés "moines noirs" à cause de leur costume) ou "Bois du Collège" sont des traces de cette histoire complexe.
Le prieuré possédait un moulin sur la Douce : moulin en bois, avec deux meules (moles), associé à un batant, c'est-à-dire un moulin à foulon, pour assouplir le drap. Il se trouvait au Breuil, à la limite des prés (preilz) de la plaine et de la zone inondable, et avait aussi un étang (à proximité de l'actuelle école élémentaire Maurice-Henry).
Cadastre napoléonien, Bavilliers, AD90 3P 30 |
Emplacement approximatif (roue à aube en bas) du moulin sur le plan de finage AD90 1C 47 |
Ceci nous conduit à notre procès AD68 1D suppl. 139.
Comme on le lit à la ligne 45, il a été amodié – mis en bail – en 1368 à Vuillemin de Fanon de Bavilliers, moyennant onze bichets de froment pour trois ans, plus quatre livres de cire par an ; encore en 1373, à "Perrin de Grantviller et sa fomme Bietrix", pour "deux bichest de blef et deux livres de cire et ung vaitel" (un veau, un porc gras ? un bichet est une mesure de grain) par an (l. 48).
Dans les premières années du XVe siècle, le moulin existe encore, mais il ne tourne plus, d'après le témoignage de quelques habitants ; quant au battant, "la femme le vielle Pillard [le] brulit et y bouta le feu par meschoite" (l'épouse du vieux Pillard le brûla et y mit le feu par accident), l. 25.
Plus tard sont venues les guerres, et le déclin du prieuré a laissé le moulin à l'abandon : Jehan Maistrot, né vers 1426, raconte que son oncle et d'autres "bergerets" (petits bergers) en ont pris les "exandres" (les tavaillons, les planches de couverture) "et en avaient fait une louge es preilz" (une cabane dans les prés), l. 41.
Mais l'absence d'occupant a aiguisé les dents longues des voisins : quand en 1466 le prieur Jehan du Pin, poursuivant l'œuvre de ses prédécesseurs, entreprend de relever le moulin et de le rebâtir, et y fait déposer pour cela des pièces de bois, Louis de Grammont, seigneur d'Essert, proteste pour lui et pour ses frère et sœurs Thomas, Alix et Simone, affirmant qu'ils sont, eux, "seigneurs propriétaires de ladite rivière de Bavillers et la tiennent de fief de treshault, trespuissans et excellans princes messeigneurs le duc d'Austeriche", et qu'eux seuls peuvent autoriser une telle construction (l. 5).
La revendication n'est pas anodine : un moulin, surtout banal, pouvait assurer de beaux revenus.
L'affaire remonte jusqu'à Pierre de Morimont, ancien bailli des terres autrichiennes en Alsace, personnage politique très influent, seigneur engagiste de Belfort, du Rosemont, d'autres lieux et de Bavilliers acheté en 1460.
Comme il convient, le jugement est précédé d'une enquête minutieuse, qui nous est rapportée : Pierre de Morimont a désigné des commissaires qui se sont rendus sur place "le lundi avant la saint Laurent", donc le 4 août 1466, "au-dessoubz dudit Bavillers près du Bruille (le Breuil) du prieur de Froidefontaine… en laquelle place nous avons veuz restans fondemens de meurs (murs) près de la rive de ladite rivière" et plusieurs pièces de bois "apte et convenable à molin ou a batant, et deça et delà de ladite rivière y a une levée en manière d'une chaussie, et y a ung petit rupt qui part de ladite rivière en manière d'ung exal (exutoire)… " (l. 16-17).
Ils ont ensuite convoqué quinze témoins :
Jehan Magny, d'Argiésans, "de quatre vingtz ans, souvenant de soixante, a juré aux sainctes Evangiles de Dieu touchiés … que sont environ soixante ans qu'il servoit au lieu de Baviller et aloit en champ et veist pluseurs fois le molin…lequel lon appelloit le molin des preilz, et a veu la maison droicte et les moles au molin, mais il ne le vit oncques (jamais) moldre… dit en oultre quil a oiz dire a son papon (grand-père) quil fut une foy monnier (meunier) dudit molin et y print ung loux par la queue en la bay (l'abée, le canal) dudit molin et le tint jusques a tant que lon lui vint tuer entre les mains". (l. 22-23)
Et aussi Vuillemin Tixerant, de Bavilliers, âgé de 70 ans, qui confirme avoir vu le moulin et le battant, appartenant au prieuré.
Plusieurs autres, Jehan Jacquet, 70 ans, de Bavilliers, Perrin Perrenot, 70 ans, d'Argiésans, l'ont ouï dire, comme Jehan Guillaume Malier, 60 ans, et Perrin Clavequin, 50 ans, ou le gros Vuillemin, 50 ans, tous trois d'Essert ; Etienne Huguenot, 60 ans, Jehan Colinet, 46 ans, de Bavilliers, n'ont jamais vu le moulin en activité, mais le dernier "a oï dire a son papon Colin quil avoit veu ledit molin et le batant, et quilz en avoient pourtez les exendres et les avoient brulées…" (l. 38). Et la plupart affirment avoir entendu dire que ces constructions étaient bien au prieuré.
Le prieur présente encore les deux amodiations qui prouvent l'ancienneté de cette possession : celles de 1368 et 1373, et même un vieux jugement de 1390, rendu par Johannes de Chancey, miles baillivus in comitatu montisbligardi (Jean de Chancey, chevalier, bailli au comté de Montbéliard), déclarant que les habitants de Bavilliers n'ont aucun droit "in fructibus et in glande nemoris quod nominatur chaisnoy et flechiere" (sur les fruits et la glandée du bois appelé …). Voici la première mention du Chênois et de la Claichière ! Et les lieuxdits le Breuil ou l'Etang existent toujours.
Ce document exceptionnel nous donne donc, outre les noms de quelques-uns des habitants, une image de la vie au pays dès le XIVe siècle.
Mieux encore : le prieur ayant montré certains feuilletz de papier à l'appui de ses affirmations, il est noté que "sont passés soixante et dixhuit ans que lesdits feuilletz ont estez escriptz" (l. 78), donc en 1394, ce qui en fait une des plus anciennes attestations de l'usage du papier dans notre région. Il s'agissait peut-être de papier de Besançon, où la première papeterie a été fondée à Tarragnoz vers 1390, à l'initiative des chanoines du chapitre cathédral : il faut attendre 1440 pour voir les premiers moulins à papier à Bâle, 1448 vers Baume-les-Dames, et 1560 à Montbéliard.
Les seigneurs d'Essert ont beau argumenter, contester les témoignages, arguer de la prescription puisque le moulin est resté abandonné pendant plus de trente ans, Pierre de Morimont, assisté de Jean Horry de Roppe, Jean Horry Machabrey, Etienne de Saint-Loup, écuyer, Jean de Taverne, prêtre, Claude de Saint Huant, prévôt de l'église de Belfort, Jean Colin d'Argiésans, prévôt de Belfort, et d'autres encore, donne raison au prieur "le mercredis apres la feste de la Conception Notre-Dame", soit le 9 décembre 1472. Le moulin est à lui.
- lignes 1–7 : exposé des termes du conflit
- l. 1–2 : personnes en cause
- l. 2–4 : le demandeur (le prieur de Froidefontaine)
- l. 4–6 : les défendeurs, et réplique du prieur
- lignes 7–19 : enquête des commissaires
- l. 7–13 : lettre de mission
- l. 15–19 : rapport des commissaires sur les lieux
- lignes 19–56 témoignages en faveur du demandeur
- l. 19–43 : dépositions des 15 témoins
- l. 44–55 : documents à l'appui de la demande
- amodiations de 1368 et 1373
- décision du bailli de Montbéliard 1318
- l. 56 : conclusion du demandeur
- lignes 57–80 : réponses des défendeurs, seigneurs d'Essert avec sept arguments et citations juridiques
- lignes 80–85 : sentence
- lignes 85–87 : témoins et date.
À propos de notre transcription :
- en italiques : citations latines ainsi que teneurs de la lettre de mission (lignes 7-13) et du rapport d'enquête (lignes 15-19),
- les abréviations sont développées,
- les lettres "v" à l'intérieur des mots ont été transcrites par des "u", dont elles ne se distinguent pas,
- pour un affichage facilitant la lecture à l'écran, l'image de l'acte a été divisée en 17 rectangles (4x4+1) ; un lien est fourni au début des 4 bandes horizontales ainsi constituées.
Je Pierre de Morimont, chevalier, seigneur dudit lieu et de Belfort en gaigière, Juge des parties cy après escriptes par leurs consentemens et de leurs voluntees, Cestassauoir Vénérable et religieuse personne messire Jehan du Pin, prieur du priorey de Froidefontaine ou dyocese de Basle et l'ordre de sainct Benoid, demandeur,
/2 d'unepart, et les seigneurs et dames d'Exers Cestassauoir messire Loys de Grandmont tant en son nom comme es noms de Thomas, Alix et Symonne ses frere et seurs et lui faisant fort de sesdits frere et seurs, deffendeurs d'aultrepart. Est esté procédé entre lesdites parties en la manière que s'ensuit, Cestassauoir que ledit prieur
/3 s'est transpourté en une plaice seant ou finaige de Bauillier et sur la riuière et au dessoubz de la ville dudit Bauillier, disant et affermant que icelle plaice lui competoit et appartenoit a cause de sondit priorey et que aultre foy il y auoit heu molin et batant appartenant aud priorey de Froidefontaine et que d'iceulx
/4 molin et batant ses predecesseurs auoient joyz paisiblement comme du propre viuant dudit priorey et que et en temps et en lieu il vouloit bien verifie. A quoy ont contrariez les seigneurs et dames d'Exers Cestassauoir ledit messire Loys tant en son nom comme es noms de sesdits frere et seurs, disant que iceulx
/5 seigneurs et dames d'Exers sont seigneurs propriétaires de ladite riuière de Bauillier et la tiennent de fied de treshault, trespuissans et excellans princes messeigneurs le duc d'Austeriche, et que sans leurs licence ou licence des seigneurs dudit Exers nulz ne peult ne doit faire molin sur ladite riuière de Bauillier.
/6 A quoy a repliqué ledit prieur disant que ses predecesseurs ilz auoient ung molin et que il le vouloit reedifier et de fait il y a fait amener du bois pour la reedification. Et m'a demandé vision de ladite plaice ensemble commissaires pour prouver que celle plaice luy competoit et appartenoit a cause de sondit priorey
/7 et que les entresoingnes estoient encor en l'aigue desdits molin et batant. Lesquelx commissaires du consentement des partiez et pour lesdites parties j'ay baillié Cest assauoir Iehan tabellion de Belfort et Jehan Colin d'Argesans et Jehans Clerc notaire de la court de Besançon, Esquelx j'ay baillié puissance de faire vision
/8 de ladite plaice et de examiner tous tesmoings que ledit prieur vouldroit produire et examiner. Lesquelx commissaires ont de ce presens la charge, Et ont adiournez par deuant eulx de une voix tous les tesmoings que ledit prieur a presentez. De laquelle commission le teneur s'ensuit et est telle Pierre
/9 de Morimont, chevalier, seigneur dudit Morimont, de Belfort et de Rosemont en gaigière, Juge des parties cy après nommées, A vous Jehan tabellion de Belfort, et Jehan Colin préuost dudit lieu, et à chacun de vous, salut. Nous vous mandons et par ces presentes commectons que au plus brief que faire se pourra a la instance de
/10 noble et religieuse personne messire Jehan du Pin prieur de Froidefontaine, voulliez faire adiourner par deuant vous au jour et lieu competant tous tesmoings que pour la partie dudit messire Jehan du Pin vous seront nommez Et iceulx voullies examiner feablement sur le differant mehu par deuant nous entre ledit
/11 prieur demandeur d'unepart et les seigneurs d'Exers deffendeurs d'aultrepart au fait du molin que ledit prieur pretend a faire sur la riuière dudit Bauillier Et aussi vous accompaigniez de Thiebault d'Angeat notre lieutenant et aultres ad ce ayans cognoissance, vous transpourtez au plustot que faire le pourres sur la
/12 plaice la ou ledit prieur pretend a faire ledit molin pour icelle plaice visiter s'il y a point d'entresoingnie d'ancien molin ou aultrement pour en faire relation par deuant nous en temps dehu. Et en tout ce vous alliez faire votre debuoir et diligence ainsin comme a raison appartient car de ce faire vous donnons
/13 puissance et auctorité. Et ce auons ouctroiez audit prieur pour commission valetudinaire pour doubte qu'il faisait de la mort de ses tesmoings, lesquelx sont vieux et anciens comme il dit. Donné soubz notre scel cy mis en marge le vanredi après la saint Barnabé l'an mille quatre cens soixante et six. Après
/14 lesquelles choses lesdits commissaires dessus nommés se sont transpourtes sur ladite plaice litigieuse et ont heuz vehue de ladite plaice et l'ont visitez bien au long. Et après ce qu'ilz ont vehuz ladite plaice ilz m'ont rapportez par escript par manière de vision ce que ilz ont vehuz en ladite plaice. De laquelle vision la
/15 teneur s'ensuit et est telle : L'an mille quatre cent soixante et six le lundi auant la saint Laurent Nous Jehan, tabellion de Belfort, et Jehan Colin preuost dudit lieu, Clerc notaire de la court de Besançon, commissaires ad ce deputés par noble et puissant seigneur messire de Morimont, chevalier, seigneur dudit
/16 Morimont, de Belfort et de Rosemont en gaigière, Juge des parties cy après escriptes, Nous sommes transpourtes sur la riuière de Bauillier au dessoubz dudit Bauillier près du bruille du prieur de Froidefontaine et illec en la presence de Jehan de Roppe, maire de l'Assise, auons fait vision d'une plaice en
/17 laquelle ledit prieur pretend faire ung molin, En laquelle plaice nous auons veuz restans fondemens de meurs près de la riue de ladite riuière. Et en ladite riuière y auons veuz cinq pièces de bois du trauers de ladite riuière assetées en ladite riuière, Et quatre ou cinq pièces de bois au long des riues de ladite riuière dedans
/18 l'aigue que antiennement y sont estees mises. Et de prime faice nous semble ledit bois ensin veu en ladite riuière estre apte et conuenable a molin ou a batant, Et deca et dela de ladite riuière y a une leuée en manière d'une chaussie, Et y a ung petit rupt qui part de ladite riuière en manière d'ung exal qui vait au tour de
/19 ladite plaice la ou l'on veult faire ledit molin. Après laquelle exhibition de ladite vision ensin faicte et mise par ledit prieur par deuant moy lesdits commissaires se sont transpourtez au lieu de Bauillier et illec ont adiournez de viue voix au mardi auant l'exaltation saincte croix tous les tesmoings que ledit prieur ait nommé pour
/20 pourter bon et loyal tesmoingnaige de verite sur l'intendit et entention dudit prieur Auquel jor sont estés adiournes les seigneurs et dames d'Exers pour veoir, jure et produire lesdits tesmoings, Desquelx tesmoings les dictz et deposition s'ensuyuent. Jehan Magny d'Argissans premier tesmoing, eaigier de quatre vingtz
/21 ans, souuenant de soixante, a juré aux sainctes euangiles de dieu touchiez lui scauoir du contenu es articles dudit prieur ce que s'ensuit, que sont enuiron soixante ans qu'il seruoit au lieu de Bauillier et aloit en champ et veist pluseurs fois le molin mentionné ou deuxiesme article, lequel l'on appelloit le
/22 molin des preilz, et a veu la maison droicte et les moles ou molin, mais il ne le vit oncques moldre. Et dit qu'il a plusoursfois oiz dire qu'il y auoit aussi ung batant lequel fut brulé, dit en oultre quil a oiz dire a son papon quil fut une foy monnier dudit molin et y print ung loux par la queue
/23 en la bay dudit molin et le tint jusques a tant que lon lui vint tuer entre les mains. Et dit en oultre que ledit molin estoit au prioré de froidefontaine et pour lors y estoit ung prieur appellé messire pierre, comme ledit deposant l'ouoit tousiours dire, et aultre chose n'en scait. Vuillemin
/24 Tixerant de bauillier second tesmoings eaigier de soixante et dix ans, souuenance de soixante ans, produit, jure et ce dit et depose par son serement lui scauoir du contenu des articles dudit prieur ce que s'ensuit. Cestassauoir que du temps de sa souuenance il a veu le molin mencionner es
/25 second article et a veu la maison dudit molin en bon point et les moles et les fers dudit molin mais il n'est point souuenant proprement quil le veist oncques moldre. Et a bien oiz dire quil y auoit ung batant aussi lequel la femme le vielle pillard brulit et y bouta
/26 le feu par meschoite. Et dit que la plaice ou estoient assises les maisons dudit molin et batant est et appartient audit prioré de froidefontaine et aussi le molin y appartient. Et le scait pour ce quil a veu et oiz dire du temps de sa souuenance et aultre chose n'en scait. Jehan Jaquet
/27 de bauillier troisiesme tesmoing eaigier de soixante et dis ans souuenance de soixante ans produit jure et ce comme les tesmoings precedans dit lui scauoir de l'intendit dudit prieur que du temps de sa souuenance il a pluseurs fois oiz dire quil y auoit ung molin sur la riuiere de bauillier appellé le
/28 molin des preilz, qu'estoit sur la tenure du priorey de froidefontaine, et aultre chose nen scait. Perrin filz perrenot d'argissans quatriesme tesmoing eaigier de soixante et dix ans souuenance de soixante ans produit, jure et ce dit et deponse lui scauoir de l'entendit dudit prieur que du temps qui lui
/29 souuient il a pluseurs fois oir dire quil y auoit heu ung molin au dessoubz de bauillier deuers chiez libigaise que lon appelloit le molin des preilz mais il ny fust oncques ne ne le vit oncques mais il a bien oir dire a sa mere que quant lon ne pouoit moldre argissans que lon alloit mol[dre]
/30 audit molin des preilz et aultre chose n'en scait. Jehan Guillaume molier d'exers cinquiesme tesmoing eaigier de soixante ans et souuenance de cinquante ans dit lui scauoir de l'intention dudit prieur que du temps que lui souuient il a pluseurs fois oir dire a pluseurs personnes desquelles il nest recors quil
/31 y auoir ung molin sur la riuiere de bauillier appelle le molin des preilz et disoit lon quil estoit au prieur de froidefontaine mais il nen vit oncques point ne nen scait aultre chose. Perrin Clauequin d'exers sixiesme tesmoing eaigier de cinquante ans souuenance de quarante ans dit lui scau[oir]
/32 de lintention dudit prieur tout ensin et par la manière que le tesmoing precedant sans riens muer ne changier. Le gros Vuillemin d'exers demourant a bauillier septiesme tesmoing eaigier de cinquante ans souuenance de quarante dit lui scauoir au fait dudit molin quil n'en y vit oncques poin[t]
/33 non obstant quil a bien oir dire quil y auoit ung molin quil sappelloit le molin des preilz mais il ne scait point quil fut au priorey de froidefontaine et aultre chose nen scait. Perrin Decain de bauillier huitiesme tesmoing eaigier de quarante ans souuenance de trente ans dit et deponse lui
/34 scauoir de lintention dudit prieur ce que sensuit Cest assauoir quil a communement oir dire es anciens quil y auoit ung molin sur la riuiere de bauillier appellé le molin des preilz lequel lon disoit quil estoit audit prieur de froidefontaine mais il ne scait sil estoit audit prieur ou a mon seigneur
/35 ou a aultre et il a veu ung seulle salterot et deux ou trois larres Et dit quil a oir dire Jehan Magny d'argessans quil auoit veu moldre ledit molin et aultre chose nen scait. Estienne filz huguenot de bauillier neufuiesme tesmoing eaigier de soixante ans souuenance de cinquante dit par son serment
/36 quil a bien oir dire quil y auoit ung molin dessoubz bauillier appellé le molin de preilz mais il ne le vit oncques moldre ne ne scait a cui il estoit et aultre chose nen scait. Jehan Colinet de bauillier dixiesme tesmoing eaigier de quarante et six ans souuenance de XXXVI ans produit jure et ce
/37 dit et deponse lui scauoir de lintention dudit prieur ce que sensuit Cestassauoir quil a quelquement oir dire quil y auoit ung molin dessoubz bauillier appellé le molin de preilz Et a oir dire aussi communement que ledit molin estoit audit prieur de froidefontaine et il a veu le seulle
/38 salterot, et dit quil a oir dire son papon colin quil auoit veu ledit molin et le batant et quilz en auoient pourtez les exendres et les auoient brulees et aultre chose nen scait. Perrin gros girard de bauillier unziesme tesmoings eaigier de quarante ans dit et deponse par son serment
/39 lui scauoir quil ne vit oncques la ou lon veul refaire ledit molin au dessoubz de bauillier mais il ait bien oir dire communement quil y auoit heu ung molin appelle le molin des preilz lequel lon disoit questoit audit prieur de froidefontaine et aultre chose nen scait souffisamment requis.
/40 Jehan Maistrot de bauillier douziesme tesmoing eaigier de enuiron quarante ans souuenance de XXX dit et deponse lui scauoir du differant mehu entre lesdites parties tout ensin que le tesmoing precedant Et dit en oultre quil a oir dire a son oncle tabourat quilz auoient
/41 prins les exandres de la maison dudit molin lui et les aultres bergerest et en auoient fait une louge es preilz et plus nen scait. Girard Maistrot de bauillier traziesme tesmoing eaigier de cinquante ans souuenance de quarante dit et deponse par son serment tout ensin et par la forme et
/42 et maniere que perod gros girard unziesme tesmoing sans riens muer ne changier. Jehan Caignet de bauillier quatrorziesme tesmoings eaigier de trente et deux ans ou enuiron souuenance de vingtz ans dit et deponse par son serment tout ensin et par la forme et maniere que perrin
/43 gros girard unziesme tesmoing. Jehan Joliat quinziesme tesmoing eaigier de trente ans dit et deponse par son serment tout ensin et par la forme et maniere que perrin gros girard unziesme tesmoing precedent. Lesquelx tesmoings cy dessus nommes ledit prieur a publié et mis en
/44 mes mains Et auec ce a encore exhibé par deuant moy ledit prieur deux admodiations autreffois faictes dudit molin de bauillier par ung prieur de froidefontaine nomme messire estienne de saint ypolite Desquelles admodiations de teneurs sensuyuent et sont telles L'an
/45 mil trois cent LXVIII le dimanche deuant la feste saint thomas retient Vuillemin de fanon de bauillier de monsieur estienne de saint ypolite prieur de froidefontaine le molin de bauillier ensemble le batant et le terme de trois ans en commencant audit jour pour le pris et somme d'onze
/46 bichest de froment a paier chacun an quatre bichest et la tierce annee trois bichest et doit maintenir ledit molin et le batant et les chaussiez en tel estat comme ly baille Et deux mestre deux moles audit molin et rendre ledit molin en fustaige et de fers et de mertelz en bon
/47 point a fin de trois annees Et chacune annee des trois annees quaitre liures de cire, presens ad ce fait messire Richard, messire henry moine dudit lieu, regnaul de chermoy, perrin le fayure et guillaume dit pauguelin et regnauldet de froidefontaine et pluseurs aultres. L'an mil trois cent LXXIII
/48 selonc leueschié de basle retient perrin de grantuiller et sa fomme bietrix le molin de bauillier pour le pris et some de deux bichest de blef et deux liures de cire et ung vaitel pour une annee presens sont sirot et aultres le mercredi apres val l'an dessusdit. Et apres les tesmoings cy dessus escrptz
/49 et publiez et l'exhibition de ladite vision et desdites admodiations exhibees ledit prieur ait encor exhibé ung instrument aultrefoy baillé par ung baillif de montbliart au prouffit dung prieur de froidefontaine contre les habitans de la ville de bauillier faisant mention du droit que ledit
/50 prieur ait es bois dudit bauillier auec lesdits seigneurs dexers duquel instrument la teneur sensuit et est telle In nomine domini Nouerint uniuersi presens publicum instrumentum inspecturi quod Anno a natiuitate eiusdem millesimo trecentesimo octauo decimo decima die mensis septembris
/51 indictione secunda pontificatus sanctissimi patris ac domini domini Johannis diuina prouidentia pape uicesimi secundi in presentia mei notarii infrascripti et testium subscriptorum propter hoc specialiter vocatorum et rogatorum constitutus Dominus Johannes de chancey miles bailliuus in comitatu montisbiligardi sedens pro tribunali dixit
/52 ac in judicio publice manifestauit Quod eidem homines et communitates de bauillier dicerent et affirmarent se jus et rationem habere in nemoribus domini poncy dexers militis et prioris prioratus de frigidofonte videlicet in fructibus et in glande nemoris quod nominatur chaisnoy et flechiere, dixit inquit ac in judicio publice
/53 manifestauit predictus bailliuus predictos homines et communitates dicte ville de bauillier nullam actionem et rationem in dictorum nemorum domini poncy et prioris predictorum glande et fructibus obtinere. Acta sunt hec in aula bellifortis anno indicata quibus supra, presentibus domino Johanne de trestudant militi,
/54 theobaldo de presenteuiller armigero castellano bellifortis,magistro Vuillermo de bauillier clerico tabellione bellifortis, Roberto de suarce et stephano des combates armigeris, et bourquardo de chieuremont cum pluribus aliis ad predicta vocatis et rogatis.Sequitur subscriptio in hunc modum : Et ego Johannes
/55 de moffans presbyter publicus auctoritate Imperiali notarius ad predicta presens interfui et omnia scripsi et publicaui meoque consueto signo signaui rogatus. Apres lesquelles publications desdits tesmoings et l'exhibition desdite vision et admodiation et de l'instrument ledit prieur de froidefontaine sest cloux Et a dit
/56 que tant par la deposition des tesmoings que par l'exhibition des vision et admodiations et par l'instrument cy dessus escript quil auoit prouué a souffisance son intendit et quil debuoit estre dit par moy et declairié que la plaice dont est le different competoit et appartenoit a sondit priorey.
/57 Et oies les choses dessusdites J'ay assigné journee esdits seigneurs dexers assauoir silz vouloient aulcune chose dire contre les tesmoings dudit prieur et contre les exhibitions cy dessus escriptes. A laquelle journee ledit messire loys de grantmont a comparu tant en son nom comme es noms que dessus
/58 et ma demandé le double desdits tesmoings ensemble le double desdites admodiations pour dire ce que de droit il deburoit dire lequel double et copie desdits tesmoings, vision et admodiations je lui ay baillé pour dire encontre tout ce que par droit il deburoit dire. Lesquelx seigneurs et dames
/59 dexers ont dit contre lesdits tesmoings et contre lesdites vision et admodiations que ledit prieur a exhibé ce que sensuit : En la cause mehue et pendant par deuant Vous noble seigneur et saige messire pierre de morimont cheualier juge des parties cy apres nommees entre loys de grantmont tant en son nom
/60 comme pour et en nom de thomas, symone et alix frere et seurs et comme personnes conionctes et communes en biens et anthoinne de balmate seigneurs et dames dexers dunepart et religieuse personne messire Jehan du pin prieur du prioré de froidefontaine daultrepart Pour vous faire apparoir que
/61 ledit prieur doit estre condempné a lancontre desdits seigneurs et dames dexers et quil n'ait aucune chose prouué seruant a son entention, dient et proposent lesdits seigneurs et dames dudit [seigneur] exers les choses que sensuyuent Premierement que veu le procez fait et demene par deuant vous entre
/62 les parties lon peut clerement cognoistre que ledit prieur veult auoir et pretend ung molin en la riuiere de bauillier laquelle compete et appartient seule et pour le tout esdits seigneurs et dames dexers en toute justice haulte moyenne et baisse en fond et en propriété et en tous usaiges de pesche Laquelle
/63 riuiere et mesmement le lieu ou pretend ledit prieur faire ung molin est du fied et de la souueraineté de treshault trespuissant et tresexcellans prince monseigneur le duc Dausteriche. Item puisque ledit prieur pretend faire ledit molin en ladite riuiere et que dicelluy il nen est en aucune
/64 joyssance ne possession il fault donc dire quen ceste partie il est et doit estre demandé et pour ce debuoit bailler sa demande laquelle il n'ait aucunement fait et pour ce selonc droit et raison tout quil est fait en ceste partie du costé dudit prieur est nulz et de nulle valeur
/65 de soy mesme. Cum libellus siue petitio est de substancia judicii et per consequens […] obmissus viciatur processus. Comme il est escript es antiques des décrétales des papes et noté par les docteurs en ung chaippitre qui s'encommence Ignarus episcopus de libelli oblatione et es constitutions
/66 des empereurs ou liure du code en une attentique que s'encommence Offeratur libellus de litiscontestatione et aussi en la glose dune clementine que sencommence sepe de Verborum significatione. Item et que se ledit prieur vouloit dire quil a baillé sa demande par maniere
/67 dintendit n'ait aucune conclusion laquelle chose doit contenir sadite demande Quar toutes demandes regulierement doibuent contenir trois choses C'estassauoir narration
/68 petition et conclusion, et se aucung de ces trois ny est, la demande est inepte et mal formee et sur icelle ne pouues bailler aucune sentence, Comme il est noté en la loy premiere des digestes De officio accessorum Et aussi la note ce notable Docteur Innocent en ung chaippitre qui
/69 sencommence In nostra es antiques De sepulturis et la raison est bonne Quar le juge de son office ne peult impartir ne bailler maisque a cellui qui demande, Comme il est escript en la loy quarte ou parrafe qui sencommence Hoc autem es Digestes de dampno infecto
/70 sic donc il fault dire que puisque ledit prieur ne fait aucune conclusion a lencontre desdits seigneurs et dames dexers ne quil ne demande aucunement par sa demande quil soit par vous declairé que la plaice par lui pretendue ly compete et appartiengne et comme a lui appartenant il puisse
/71 faire et ediffie en ladite plaice ledit molin Vous ne lui poues bailler ne adiuger ce quil ne demande point par sadite demande Item et que se toutes ces choses cessoient touteffois ne peult obtenir ledit prieur de froidefontaine Quar comme est ja esté dit par les contredictes desdits seigneurs
/72 et dames dexers ledit prieur ne prouue aucunement son entention et se les tesmoings par lui produitz et examines en deposent aucune chose ce nest point de leur propre scauoir ains en deposant tous indifferamment par oir dire daultrui, laquelle chose non habet concludum ad bonam
/73 probationem. Comme il est escript en ce chaippitre Preterea et en ce chaippitre tam breues es decretales exemplo de testibus en ce chappitre testes ou decret la tierce cause et la IXe question. Item et daultrepart lesdits tesmoings ne deposent point que depuis trente ans ença ledit prieur aye joyr de
/74 ladite plaice ou il pretend faire et constinuer ledit molin Et par ainsin il a prescription en ceste partie, laquelle selonc les coustumes du pays ou est assis ledit exers est asses souffisante pour exluder lentention dudit prieur et le deboute totellement de ce quil pretend a lencontre
/75 desdits seigneurs et dames dexers. Item et ne vous debues ja arrester a la relation des commissaires qui ont estez de vous deputes a visiter la plaice contensieuse et ou ledit prieur pretend faire ledit molin Car bien vehue icelle ne dient point par leur relation que ladite plaice compete
/76 et appartiengne audit prieur ne que dicelle il ait joyz depuis trente ans laquelle chose seroit necessaire pour pruffiter audit prieur. Item moing vous debues arrester a certains feuilletz de papié par deuant vous exhibes pour la partie dudit prieur, par lesquelx ledit prieur dit apparoir
/77 que en ladite plaice contensieuse il y ait heu aultreffois molin appartenant a sondit priorey et icellui auoir esté admodie a pluseurs personnes Car ce ne vault audit prieur pour deux raisons. La premiere pour ce quilz ne sont aucunement signés de publique personne ne attentique et par
/78 ainsin ne prouue aucunement ne ne sont plaine probation. La seconde raison pour ce que sont passes soixante et dixhuit ans que lesdits feuilletz ont estez escriptz depuis lequel temps ledit prieur ne ses predecesseurs ne joyrent dudit molin ne des droits dicellui et par ainsin
/79 comme est este dit cy dessus prescription a lieu en ceste partie. Et daultrepart lun des feuilletz est chancellé et raier par quoy ne debues adiouster foy aucune. Et par ce vous peut clerement apparoir par les choses dessusdites et aultres raisons que par vous seront suppliez que ledit prieur
/80 doit estre debouté de son entention et doibuent obtenir a leurs sens lesdits seigneurs et dames dexers Et ainsin semble a correction de tous bons jugemens que ainsin doit estre dit par vous et sentencié Ainsin signé P sisole. Pour quoy le tout veu dudit proces, demande
/81 et response et aussi la deposition des tesmoings produictz et examines pour la partie dudit prieur, la vision et lexhibition que ledit prieur a fait de deux admodiations aultrefoy faictes dudit molin et aussi lexhibition dung instrument aultrefoy bailler par ung baillif de montbliart dessoubz
/82 laule de belfort et vehues et oiez les contredictes desdits seigneurs et dames dexers et tout ce quilz ont volu dire dung costel et daultre par bonne et meure deliberation de conseil sur ce premierement heue es saiges spirituelz et temporelz et noble et non nobles ay dit, prononcier et declairer ma sentence
/83 deffinitive sur lesdits proces en la maniere que sensuit. Premierement le nom de monsieur Ihesu crist inuoqué Je ledit pierre de morimont dis, prononce et declaire selon le contenu de ce proces ledit messire Jehan du pin prieur de froidefontaine auoir bien prouué son intendit tant par la
/84 vision du lieu de ceulx que jay ad ce commis lesquelx par la vertu de ma commission men ont fait relation comme par la deposition des tesmoings et par les exhibitions des admodiacions dudit molin et de linstrument, que icellui prieur doit joyr de la plaice cy dessus escripte et y faire
/85 ung molin et ung batant se y lui plait. Et ce ay dit et sentencier par mon meilleur aduis et entendement Et auec moy sont estez a bailler ceste presente sentence ceulx que sensuiguent Cest assauoir noble homme messire Jehan horry de roppe, cheualier, Jehan horry machabrey, estienne de
/86 saint loup escuiers, maistre Jehan de tauerne prestre, messire claude de saint huan preuost de leglise de belfort, Jehan colin dargesans preuost dudit belfort, Jehan petit preuost, Jehan guillaume le mercier, Anthoine mercier, Jehan de derney, Jehan preuost, guillaume belhoste, Jehan de roppe, monnin Jolibois,
/87 Jehan estraictot bourgeois de belfort et aultres, le mercredis apres la feste de la conception notre dame Lan notre seigneur courrant mille quatre cent septante et deux.
Signo tabellionis
Je Pierre de Morimont, chevalier, seigneur dudit lieu et seigneur engagiste de Belfort, juge des parties ci-après décrites, par leurs consentements et de leurs volontés, à savoir vénérable et religieuse personne messire Jehan du Pin, prieur du prieuré de Froidefontaine au diocèse de Bâle, de l'ordre de saint Benoît, demandeur,
/2 d'une part, et les seigneurs et dames d'Essert, à savoir messire Loys de Grandmont en son nom comme aux noms de Thomas, Alix et Symonne ses frère et sœurs et se faisant fort de sesdits frère et sœurs, défendeurs, d'autre part. Il a été procédé entre lesdites parties en la manière qu'il s'ensuit, à savoir que ledit prieur
/3 s'est transporté en une place sise au finage de Bavilliers, sur la rivière et au dessous de la ville dudit Bavilliers, disant et affirmant que cette place lui appartenait à cause de sondit prieuré et qu'autrefois il y avait eu un moulin et foulon appartenant audit prieuré de Froidefontaine, et que d'iceux
/4 moulin et battoir ses prédécesseurs avaient joui paisiblement, comme du propre vivant dudit prieuré, et que et en temps et en lieu il voulait bien le prouver. A quoi se sont opposés les seigneurs et dames d'Essert, à savoir ledit messire Loys, en son nom comme aux noms de sesdits frère et sœurs, disant que iceux
/5 seigneurs et dames d'Essert sont seigneurs propriétaires de ladite rivière de Bavilliers et la tiennent en fief de très hauts, très puissants et excellents princes messeigneurs le duc d'Autriche, et que sans leurs licence ou celle des seigneurs dudit Essert nul ne peut ni ne doit faire un moulin sur ladite rivière de Bavilliers.
/6 A quoi a répliqué ledit prieur disant que ses prédécesseurs y avaient un moulin et qu'il voulait le reconstruire et de fait il y a fait amener du bois pour la reconstruction. Et m'a demandé de visiter ladite place avec les commissaires pour prouver que cette place lui appartenait a cause de sondit prieuré
/7 et qu'on pouvait voir dans l'eau des poutres (5) desdits moulin et foulon. Lesquels commissaires, du consentement et pour lesdites parties, j'ai accordé, à Jehan Tabellion de Belfort, Jehan Colin d'Argiésans et Jehan Clerc, notaires de la cour de Besançon, auxquels j'ai donné le pouvoir de visiter
/8 ladite place et d'entendre tous témoins que ledit prieur voudra produire. Lesquels commissaires en ont à présent la charge, et ont appelé par devant eux tous les témoins que ledit prieur a présentés. De laquelle commission la teneur s'ensuit : Pierre
/9 de Morimont, chevalier, seigneur dudit Morimont, de Belfort et seigneur engagiste de Rosemont, juge des parties ci-après nommées, à vous Jehan Tabellion de Belfort, et Jehan Colin prévôt dudit lieu, et à chacun de vous, salut. Nous vous mandons et par ces présentes commissions que, dés que faire se pourra, à l'instance de
/10 noble et religieuse personne messire Jehan du Pin prieur de Froidefontaine, vouliez convoquer par devant vous au jour et lieu approprié tous témoins qui, pour la partie dudit messire Jehan du Pin vous seront nommés, et iceux voudrez bien interroger fidèlement, au sujet du différend qui nous est soumis entre ledit
/11 prieur demandeur d'une part et les seigneurs d'Essert défendeurs d’autre part au sujet du moulin que ledit prieur prétend construire sur la rivière dudit Bavilliers. Et aussi que, accompagnés de Thiebault d'Angeot notre lieutenant et autres en ayant connaissance, vous vous transportiez au plus tôt que faire le pourrez sur la
/12 place où ledit prieur prétend faire ledit moulin pour examiner s'il y a des poutres d'ancien moulin ou autre, pour en faire relation par devant nous en temps voulu. Et en tout ceci vous allez faire votre devoir diligemment et convenablement, car de ce faire nous vous donnons
/13 puissance et autorité. Et nous avons octroyé cela audit prieur pour commission valétudinaire pour ses craintes au sujet de la mort de ses témoins, lesquels sont vieux et anciens, comme il dit. Donné sous notre sceau mis en marge le vendredi après la saint Barnabé l'an mille quatre cens soixante et six. Après
/14 lesquelles choses lesdits commissaires dessus nommés se sont transportés sur ladite place litigieuse et ont eu vue de ladite place et l'ont visitée en détail. Et après ce qu’ils ont vu en ladite place ils m'ont rapportez par écrit ce que ils ont vu en ladite place. De laquelle vision la
/15 teneur s'ensuit et est telle : "L'an mille quatre cent soixante et six le lundi auant la saint Laurent Nous Jehan Tabellion de Belfort, et Jehan Colin prévôt dudit lieu, clerc notaire de la cour de Besançon, commissaires à cet effet députés par noble et puissant seigneur messire de Morimont, chevalier, seigneur dudit
/16 Morimont, de Belfort et de Rosemont en gagière, juge des parties ci-après écrites, nous sommes transportés sur la rivière de Bavilliers au dessous dudit Bavilliers près du Breuil du prieur de Froidefontaine et là, en la presence de Jehan de Roppe, maire de l'Assise, avons examiné un emplacement en
/17 laquelle ledit prieur prétend faire un moulin, auquel emplacement nous avons vu des vestiges de murs près de la rive de ladite rivière. Et en ladite rivière y avons vu cinq pièces de bois du travers de ladite rivière assises en ladite rivière, et quatre ou cinq pièces de bois au long des rives de ladite rivière dans
/18 l'eau qui y furent mises anciennement. Et de prime abord ledit bois nous semble ledit bois ainsi vu en ladite rivière être apte et compatible avec un moulin ou un foulon. Et sur chaque rive de ladite rivière y a une levée avec un chemin, et il y a un petit canal qui part de ladite rivière en manière d'un bief qui aboutit à
/19 l'emplacement ou l'on veut faire ledit moulin". Après la relation de ladite visite ainsi faite et remise par ledit prieur, lesdits commissaires se sont transportés au lieu de Bavilliers et là ont convoqué de vive voix le mardi avant l'exaltation de la sainte Croix tous les témoins que ledit prieur a nommés pour
/20 porter bon et loyal témoignage sur l'intendit (6) et les prétentions dudit prieur. Auquel jour ont été appelés les seigneurs et dames d'Essert pour voir jurer et produire lesdits témoins, dont les dépositions suivent. Jehan Magny d'Argiésans, premier témoin, âgé de quatre vingts
/21 ans, se souvenant de soixante, a juré par le toucher des saints évangiles de Dieu savoir du contenu des articles dudit prieur ce que s'ensuit, à savoir qu'environ soixante ans auparavant il travaillait au lieu de Bavilliers et allait au champ et vit plusieurs fois le moulin mentionné au deuxième article, qu'on appelait le
/22 moulin des Prés, et a vu la maison droite et les meules du moulin, mais il ne le vit jamais moudre. Et dit qu'il a plusieurs fois entendu dire qu'il y avait aussi un foulon qui a brûlé, dit en outre qu'il a entendu dire par son grand-père qu'il fut une fois meunier dudit moulin et y prit un loup par la queue
/23 en l'abée (7) dudit moulin et le tint jusqu'à ce qu'on vint le tuer entre les mains. Et dit en outre que ledit moulin était au prieuré de Froidefontaine et qu'alors il y avait un prieur appelé messire Pierre, ainsi que ledit déposant l'avait toujours (ouï) dire, et il n'en sait pas plus. Vuillemin
/24 Tixerant de Bavilliers second témoins âgé de soixante dix ans, se souvenant de soixante ans, dépose sous son serment savoir du contenu des articles dudit prieur ce que s'ensuit. À savoir que du temps de sa souvenance il a vu le moulin mentionné au
/25 second article et la maison dudit moulin en bon état et les meules et les fers dudit moulin, mais il ne se souvient pas vraiment qu'il le vit jamais moudre. Et a bien entendu dire qu'il y avait un foulon auquel la femme du vieux Pillard mit
/26 le feu accidentellement. Et dit que la place ou étaient assises les maisons dudit moulin et foulon est et appartient audit prieuré de Froidefontaine ainsi que le moulin. Et il le sait pour avoir vu et entendu dire du temps de sa souvenance et il n'en sait pas plus. Jehan Jaquet
/27 de Bavilliers, troisième témoin, âgé de soixante-dix ans, se souvenant de soixante ans jure et, comme les témoins précédents, dit savoir de l'intendit dudit prieur que, du temps de sa souvenance, il a plusieurs fois entendu dire qu'il y avait un moulin sur la rivière de Bavilliers appelé le
/28 moulin des Prés, qui était sur la tenure du prieuré de Froidefontaine, et il n'en sait pas plus. Perrin fils de Perrenot d'Argiésans quatrième témoin, âgé de soixante-dix ans, se souvenant de soixante ans, jure et dépose savoir de l'intendit dudit prieur que, du temps dont il se
/29 souvient, il a plusieurs fois ouï dire qu'il y avait eu un moulin au dessous de Bavilliers devers chez Libigaise qu'on appelait le moulin des Prés mais il n'y est jamais allé et ne ne le vit jamais mais il a bien entendu sa mère dire que quand on ne pouvait moudre Argiésans, on allait moudre
/30 audit moulin des Prés, et il n'en sait pas plus. Jehan Guillaume, meunier d'Essert, cinquième témoin, âgé de soixante ans et se souvenant de cinquante ans, dit savoir de la prétention dudit prieur que, du temps dont il se souvient il a plusieurs fois ouï dire a plusieurs personnes, dont il n'a plus souvenance, qu'il
/31 y avait un moulin sur la rivière de Bavilliers appelé le moulin des Prés et dont on disait qu'il était au prieur de Froidefontaine, mais il ne le vit jamais, et il ne sait rien d'autre. Perrin Clavequin d'Essert, sixième témoin, âgé de cinquante ans se souvenant de quarante ans dit savoir
/32 des prétentions dudit prieur la même chose que le témoin précédent, sans rien y changer. Le gros Vuillemin d'Essert demeurant a Bavilliers, septième témoin, âgé de cinquante ans, se souvenant de quarante, dit savoir au sujet dudit moulin qu'il ne l'a jamais vu,
/33 mais qu'il ait bien entendu dire qu'il y avait un moulin qu'il s'appelait le moulin des Prés, mais il ne sait pas s'il était au prieuré de Froidefontaine, et il n'en sait pas plus. Perrin Decain de Bavilliers huitième témoin, âgé de quarante ans se souvenant de trente ans, dit et dépose
/34 savoir de l'intention dudit prieur ce que s'ensuit, à savoir qu'il a communément entendu dire des anciens qu'il y avait un moulin sur la rivière de Bavilliers appelé le moulin des Prés dont on disait qu'il était audit prieur de Froidefontaine, mais il ne sait s'il était audit prieur ou à monseigneur
/35 ou à autre, et il a vu un seul salterot (8) et deux ou trois larres (?). Et ajoute qu'il a ouï Jehan Magny d'Argiésans dire qu'il avait vu moudre ledit moulin, et il n'en sait pas plus. Estienne fils Huguenot de Bavilliers neuvième témoin, âgé de soixante ans se souvenant de cinquante, dit par son serment
/36 qu'il a bien entendu dire qu'il y avait un moulin sous Bavilliers appelé le moulin des Prés mais il ne l'a jamais vu moudre, et ne ne sait a qui il était, et il n'en sait pas plus. Jehan Colinet de Bavilliers dixième témoin, âgé de quarante-six ans, se souvenant de 36 ans, jure et
/37 dépose savoir de l'intention dudit prieur ce que suit, à savoir qu'il a quelquefois entendu dire qu'il y avait un moulin sous Bavilliers appelé le moulin des Prés, et a ouï dire aussi souvent que ledit moulin était audit prieur de Froidefontaine et il a a vu le seul
/38 salterot, et dit qu'il a ouï dire son grand-père Colin qu'il avait vu ledit moulin et le foulon et qu'ils en avaient porté les aissendres (9) et les avaient brûlées, et il n'en sait pas plus. Perrin Gros Girard de Bavilliers onzième témoin, âgé de quarante ans, dit et dépose par son serment
/39 savoir qu'il n'a jamais rien vu là ou on veut refaire ledit moulin au dessous de Bavilliers, mais il ait bien entendu dire communément qu'il y avait eu un moulin appellé le moulin des Prés dont on disait qu'il était audit prieur de Froidefontaine, et il n'en sait pas plus, en étant convenablement questionné.
/40 Jehan Maistrot de Bavilliers douzième témoin, âgé environ de quarante ans, se souvenant de 30, dit et dépose savoir du différend soulevé entre lesdites parties la même chose que le témoin précédent, et dit en outre qu'il a entendu dire a son oncle Tabourat qu'ils avaient
/41 pris les aissendres (9) de la maison dudit moulin, lui et les autres bergers et en avaient fait une cabane (10) dans les prés, et il n'en sait pas plus. Girard Maistrot de Bavilliers treizième témoin, âgé de cinquante ans se souvenant de quarante, dit et dépose par son serment de la même manière
/42 que Perod Gros Girard onzième témoin, sans rien y changer. Jehan Caignet de Bavilliers quatorzième témoin, âgé de trente et deux ans environ se souvenant de vingt ans, dit et dépose par son serment de la même manière que Perrin
/43 Gros Girard onzième témoin. Jehan Joliat quinzième témoin, âgé de trente ans, dit et dépose par son serment de la même manière que Perrin Gros Girard onzième témoin. Lesquels témoins ci dessus nommés ledit prieur a publié et mis entre
/44 mes mains. Et avec cela il a encore exhibé par devant moi deux amodiations dudit moulin de Bavilliers faites autrefois par un prieur de Froidefontaine nommé messire Estienne de Saint Hippolyte Desquelles amodiations s'ensuivent les teneurs : L'an
/45 mil trois cent 68, le dimanche avant la saint Thomas, Vuillemin de Fanon de Bavilliers retient de monsieur Estienne de Saint Hippolyte prieur de Froidefontaine le moulin de Bavilliers avec le foulon pour une durée de trois ans en commençant audit jour pour le prix et somme de onze
/46 bichets (11) de froment a payer chaque année quatre bichets et la troisième année trois bichets et doit maintenir ledit moulin et le foulon et les levées en l'état où on les lui remet ; et mettre deux meules audit moulin et le rendre en charpente (12), et de fers et de marteaux en bon
/47 état à la fin des trois années ; et chaque année quatre livres de cire ; en la présence de messire Richard, messire Henry, moine dudit lieu, Regnaul de Chermoy, Perrin le Fayvre, Guillaume dit Pauguelin et Regnauldet de Froidefontaine et plusieurs autres. L'an mil trois cent 73,
/48 selon le style de Bâle Perrin de Grandvillers et sa femme Bietrix retiennent le moulin de Bavilliers pour le pris et somme de deux bichets de blé, deux livres de cire et un vaitel (13) pour une année ; en la présence de Sirot et d'autres le mercredi après Val l'an dessus-dit. Et après les témoins ci-dessus écrits
/49 et publiés et l'exhibition de ladite visite et desdites amodiations, ledit prieur a encore exhibé un acte (14) autrefois délivré par un bailli de Montbéliard au profit d'un prieur de Froidefontaine contre les habitants de la ville de Bavilliers faisant mention du droit que ledit
/50 prieur a sur les bois dudit Bavilliers avec lesdits seigneurs d'Essert duquel acte la teneur suit : "Au nom de Dieu. Que tous ceux qui verront le présent document sachent que le 10 septembre
/51 1390, indiction II du pontificat du très saint Père Monseigneur Jean XXII, pape par la divine Providence, en présence de moi, notaire soussigné, et des témoins signataires, spécialement convoqués et requis pour cela, constitué en sa personne messire Jean de Chancey, chevalier, bailli au comté de Montbéliard, siégeant devant le tribunal, a dit
/52 et publiquement manifesté en justice que les hommes et communautés de Bavilliers disaient et affirmaient qu'ils avaient droit et intérêt dans les bois de messire Poncy d'Essert, chevalier, et du prieur du prieuré de Froidefontaine, c'est-à-dire sur les fruits et le glandage du bois appelé le Chaisnoy et la Fléchière (15) ; ledit bailli a dit, déclaré et publiquement
/53 manifesté au tribunal que lesdits hommes et communautés de ladite localité de Bavilliers ne possèdent aucun droit et intérêt sur le glandage et les fruits desdits bois de messire Poncy et du prieur susdits. Ces actes ont été passés en la cour de Belfort en l'an indiqué, en présence de messire Jehan de Trestudant, chevalier,
/54 Thiébault de Présentevillers, écuyer, châtelain de Belfort, maître Vuillaume de Bavilliers, clerc, tabellion de Belfort, Robert de Suarce et Étienne des Combates, écuyers, et Bourquard de Chèvremont, et plusieurs autres témoins convoqués et requis pour cela. Suit une souscription rédigée ainsi : Moi, Jean
/55 de Moffans, prêtre, notaire public par autorité impériale, ai assisté personnellement à ces actes, je les ai tous écrits et publiés, et je les ai scellés de mon sceau habituel, à leur demande". Après lesquelles publications desdits témoins et l'exhibition desdites visite et amodiation et de l'acte ledit prieur de Froidefontaine a conclu (?), en disant
/56 que, tant par la déposition des témoins que par l'exhibition des visite et amodiations et par l'acte ci-dessus trancrit, il avait suffisamment prouvé son intendit et qu'il devait être déclaré par moi que la place sujète du différend appartenait a sondit prieuré.
/57 Et ouïes les choses susdites, j'ai assigné une séance auxdits seigneurs d'Essert pour leur permettre de répondre aux témoins dudit prieur et aux exhibitions ci-dessus écrites. A laquelle séance ledit messire Loys de Grantmont a comparu en son nom et comme aux noms que dessus
/58 et m'a demandé les doubles des dépositions des témoins et desdites amodiations pour lui permettre de défendre ses droits, lesquels doubles je lui ai remis. Lesquels seigneurs et dames
/59 d'Essert ont dit contre lesdits témoins et contre lesdites visite et amodiations que ledit prieur a exhibé ce qui suit : En la cause amenée par devant Vous noble seigneur et sage messire Pierre de Morimont, chevalier, juge des parties ci-après nommées, entre Loys de Grantmont, en son nom
/60 et pour et au nom de Thomas, Symone et Alix, frère et sœurs, et comme personnes conjonctes et communes en biens, et Anthoinne de Balmate seigneurs et dames d'Essert d'une part, et religieuse personne messire Jehan Du Pin, prieur du prieuré de Froidefontaine, d'autre part, pour vous faire apparaitre que
/61 ledit prieur doit être condamné à l'encontre desdits seigneurs et dames d'Essert, et qu'il n'a rien prouvé servant ses prétentions, lesdits seigneurs et dames dudit Essert disent et proposent les choses qui suivent Premierement que, vu le procès fait et soulevé par devant vous entre
/62 les parties, on peut clairement constater que ledit prieur veut et prétend avoir un moulin en la rivière de Bavilliers, laquelle appartient seulement et pour le tout auxdits seigneurs et dames d'Essert en toute justice, haute, moyenne et basse, en fond et en propriété et en tous usages de pêche, laquelle
/63 rivière et de même le lieu ou prétend ledit prieur faire un moulin est du fief et de la souveraineté de très hault, très puissant et très excellent prince monseigneur le duc d'Autriche. Item puisque ledit prieur prétend faire ledit moulin en ladite rivière et qu'il n'en a aucunement
/64 jouissance ni possession, il faut donc dire qu'en ceste partie il aurait dû en demander l'autorisation, ce qu'il n'a aucunement fait et pour ce, selon droit et raison, tout qui est fait en cette partie du côté dudit prieur est nul et de nulle valeur.
/65 "Celui qui veut intenter une action doit commencer par faire donner une assignation à sa partie …". Comme il est écrit dans les antiques des décrétales des papes et noté par les docteurs en un chapitre qui commence avec "Ignarus episcopus de libelli oblatione" (16) et les constitutions
/66 des empereurs ou livre du code en une authentique qui commence par "Offeratur libellus de litiscontestatione" et aussi en la glose d'une Clémentine (17) qui commence par "Sepe de Verborum significatione" (18). Item que si ledit prieur voulait dire qu'il a baillé sa demande par manière
/67 d'intendit, cela ne conduit à rien (?), car l'intendit doit contenir sa-dite demande, car toute demande doit régulièrement contenir trois choses, à savoir la narration,
/68 la pétition et la conclusion, et si aucune des trois n'y figure, la demande est mal formulée et inapte, et ne peut aboutir à aucune sentence, comme il est noté en la loi première des digestes "De officio accessorum" (19) et aussi la note ce notable docteur Innocent en un chapitre qui
/69 commence par "In nostra" dans les antiques "De sepulturis" (20) ; ce qui est confirmé par le fait que le juge de son office ne peut rien accorder à celui qui n'en fait la demande, comme il est écrit en la loi quarte ou paraphe qui commence par "Hoc autem" des Digestes "de dampno infecto" (21)
/70 donc il faut dire que puisque ledit prieur ne fait aucune conclusion a l'encontre desdits seigneurs et dames d'Essert, et qu'il ne demande aucunement qu'il soit par vous déclaré que la place qu'il prétend lui appartenir, et, partant, où il pourrait
/71 faire et édifier ledit moulin, vous ne pouvez lui accorder ni adjuger ce qu'il ne demande pas ; Item, et même sans cela, ledit prieur de Froidefontaine ne peut obtenir gain de cause car, comme il a déjà eté dit par les contredites desdits seigneurs
/72 et dames d'Essert, ledit prieur ne justifie aucunement ses prétentions et, si les témoins par lui produits et examinés déposent quoi que ce soit, ce n'est point de leur propre savoir mais en déposant tous autant qu'ils sont par ouï-dire d'autrui, laquelle chose "non habet concludum ad bonam
/73 probationem", comme il est écrit en ce chapitre "Preterea" et en le chapitre "tam breues" des décrétales "exemplo de testibus" en le chapitre "testes" au décret "la tierce cause" et la question 9 (22). Item et d'autre part, lesdits témoins ne déposent point que depuis trente ans ledit prieur ait joui de
/74 ladite place ou il prétend faire et continuer ledit moulin, et par ainsi il y a prescription en cette partie, laquelle selon les coutumes du pays ou est assis ledit Essert est suffisante pour disqualifier les prétentions dudit prieur et le déboute totalement de ce qu'il prétend a l'encontre
/75 desdits seigneurs et dames d'Essert. Item vous ne devez vous en tenir au compte-rendu des commissaires que vous avez envoyé visiter la place contentieuse, où ledit prieur prétend construire ledit moulin, car en l'examinant bien, ce compte-rendu ne dit pas que ladite place
/76 appartienne audit prieur ni qu'il en ait joui depuis trente ans, ce qui serait nécessaire au profit dudit prieur. Item vous ne devez as tenir compte des feuillets de papier que la partie dudit prieur vous a présentés, par lesquels ledit prieur dit qu'il apparaît
/77 qu'en ladite place contentieuse il y ait eu autrefois un moulin appartenant a sondit prieuré qui ait été amodié a plusieurs personnes, car ils n'apportent rien à l'avantage dudit prieur pour deux raisons. La première pour ce qu’ils ne sont aucunement signés par une personne publique ni authentifiés, et
/78 ainsi ne sont pas des éléments de preuve. La seconde raison est qu'ils datent de soixante-dix-huit ans durant lesquels ledit prieur ni ses prédécesseurs n'ont pas joui dudit moulin ni des droits y afférant et qu'ainsi,
/79 comme plus haut, il y a prescription en cette partie. Et d'autre part l'un des feuillets est cancellé et biffé, par conséquent vous ne devez y accorder aucune valeur. Et par tout cela vous pouvez clairement constater et autres raisons que vous invoquerez que ledit prieur
/80 doit être débouté de sa demande et que lesdits seigneurs et dames d'Essert doivent obtenir gain de cause, et ceci semble constituer un bon jugement, et doit être votre sentence. Ainsi signé P Sisole. Le tout vu et considéré, demande
/81 et réponse, dépositions des témoins produits et examinés par la partie dudit prieur, les deux amodiations anciennes dudit moulin et aussi l'acte ancien délivré par un bailli de Montbéliard en
/82 la courtine (?) de Belfort, et vues et ouïes les réponses desdits seigneurs et dames d'Essert, et tout ce qui a été dit de part et d'autre, après mûre délibération, et conseils recueillis préalablement de la part de sages hommes clercs et laïcs, nobles et non nobles j'ai dit, prononcé et declaré ma sentence
/83 définitive sur ledit procès de la manière qui suit. Premierement, en invoquant notre seigneur Jésus-Christ, je, ledit Pierre de Morimont dis, prononce et déclare, selon le contenu de ce procès, ledit messire Jehan Du Pin, prieur de Froidefontaine avoir bien prouvé son intendit tant par la
/84 visite du lieu par ceux que j'ai commis à cela, lesquels par la vertu de ma commission m'en ont fait relation, comme par la déposition des témoins et par la présentation des amodiations dudit moulin et de l'acte, que ledit prieur doit jouir de la place ci-dessus citée et y faire
/85 un moulin et un foulon, s'il le souhaite. Et c'est ma sentence, selon mon meilleur avis et entendement Et avec moi ont délivré cette présente sentence ceux qui suivent, à savoir noble homme messire Jehan Horry de Roppe, chevalier, Jehan Horry Machabrey, Estienne de
/86 Saint Loup, écuyers, maître Jehan de Taverne, prêtre, messire Claude de Saint Huan, prévôt de l'église de Belfort, Jehan Colin d'Argiésans, prévôt dudit Belfort, Jehan Petit Prevost, Jehan Guillaume le mercier, Anthoine Mercier, Jehan de Derney, Jehan Prevost, Guillaume Belhoste, Jehan de Roppe, Monnin Jolibois,
/87 Jehan Estraictot, bourgeois de Belfort, et autres, le mercredi après la fête de la Conception Notre Dame, l'an notre seigneur courant mille quatre cent soixante-douze.
l. 65 Ignarus episcopus De libelli oblatione : se trouve au chapitre 1 du Libellus reclamationis du droit canon ; il fait obligation, selon l'autorité ecclésiastique, de tenir un registre des réclamations. Texte repris par Louis d'Héricourt, Les loix ecclésiastiques de France, 1736, p.133 : "Celui qui veut intenter une action doit commencer par faire donner une assignation à sa partie …".
l. 66 Saepe … : chapitre, Saepe, titre De verborum significatione, dans les Constitutions Clémentines. Porte sur les preuves nécessaires et les défenses légitimes.
l. 68 De officio accessorum : voir le Digeste, chapitre De bonorum possessionibus, reprenant Justin : "Le juge ne peut donner conseil aux parties".
l. 69 In nostra … : bulle d'Innocent III, chapitre In nostra, titre De sepulturis.
l. 69 De damno infecto : titre d'un autre chapitre du Digeste. "Notre usage est de faire ordonner une visite du bâtiment qui menace ruine, pour faire condamner ensuite le propriétaire à le réparer ou l'abattre." Et "Pour être admis à intenter cette action, il faut que l'ouvrage ne soit pas encore achevé."
ligne | texte | date de la fête | date dans le texte |
13 | vendredi après la st Barnabé 1466 | mercredi 11 juin | vendredi 13 juin 1466 |
15 | lundi avant la st Laurent 1466 | dimanche 10 août | lundi 4 août 1466 |
19 | mardi avant l'exaltation de la ste Croix | samedi 14 septembre | mardi 10 septembre 1472 |
45 | dimanche avant la st Thomas 1368 | lundi 3 juillet | dimanche 25 juin 1368 |
48 | mercredi après Val, calendrier de Bâle | samedi 1er mai (25) | mercredi 5 mai 1373 |
87 | mercredi après l'Immaculée Conception | mardi 8 décembre | mercredi 9 décembre 1472 |
ligne | nom | âge | précisions |
1 | Pierre de Morimont | seigneur engagiste de Belfort, Morimont et Rosemont ; juge du procès | |
1 | Jehan du Pin | prieur de Froidefontaine | |
2 | Louis de Grammont, pour Thomas, Alix et Symone, ses frère et sœurs | seigneur d'Essert | |
7 | Jehan Tabellion | tabellion de Belfort, notaire de la cour de Besançon | |
7, 86 | Jehan Colin d'Argiésans | prévôt de Belfort, notaire de la cour de Besançon | |
7 | Jehan Clerc | notaire de la cour de Besançon | |
11 | Thiébault d'Angeot | lieutenant de Pierre de Morimont | |
16, 86 | Jehan de Roppe | maire de l'Assise | |
20, 35 | Jehan Magny d'Argiésans | 80 | témoin 1 |
23 | Messire Pierre, prieur de Froidefontaine | Pierre de Bavans, prieur en 1377 | |
23-24 | Vuillemin Tixerant de Bavilliers | 70 | témoin 2 |
25 | la femme le vielle Pillard | la femme du vieux Pillard | |
26 | Jehan Jaquet de Bavilliers | 70 | témoin 3 |
28 | Perrin, fils de Perrenot d'Argiésans | 70 | témoin 4 |
30 | Jehan Guillaume l'aîné, d'Essert | 60 | témoin 5, meulier d'Essert |
31 | Perrin Clavequin, d'Essert | 50 | témoin 6 |
32 | le gros Vuillemin, d'Essert | 50 | témoin 7, demeurant à Bavilliers |
33 | Perrin Decain de Bavilliers | 40 | témoin 8 |
35 | Etienne, fils Huguenot de Bavilliers | 60 | témoin 9 |
36 | Jehan Colinet de Bavilliers | 46 | témoin 10 |
38 | Colin | grand-père de Jehan Colinet | |
38,42 | Perrin (Perrot) Grosgirard, de Bavilliers | 40 | témoin 11 |
40 | Jehan Maitrot, de Bavilliers | 40 | témoin 12 |
40 | Tabourat | oncle de Jehan Maitrot | |
41 | Girard Maistrot, de Bavilliers | 50 | témoin 13 |
42 | Jehan Caignet, de Bavilliers | 32 | témoin 14 |
43 | Jehan Joliat | 30 | témoin 15 |
44 | Messire Estienne de Saint Ypolite | prieur de Froidefontaine en 1368 | |
44 | Vuillemin de Fanon, de Bavilliers | amodiataire du moulin en 1368 | |
47 | Messire Richard | témoin en 1368 | |
47 | Messire Henry | moine de Froidefontaine, témoin en 1368 | |
47 | Regnaul de Charmoy | témoin en 1368 | |
47 | Perrin le Fayvre | témoin en 1368 | |
47 | Guillaume dit Pauguelin | témoin en 1368 | |
47 | Regnauldet de Froidefontaine | témoin en 1368 | |
48 | Perrin de Grandvillars et sa femme Beatrix | amodiataire du moulin en 1373 | |
48 | Sirot | témoin en 1373 | |
51 | Johannes de Chancey | chevalier, bailli au comté de Montbéliard en 1390 | |
52 | Messire Poncy (?) d'Essert | chevalier et prieur de Froidefontaine en 1390 | |
53 | Jehan de Trétudans | chevalier, témoin en 1390 | |
54 | Thiebault de Présentevillers | écuyer, châtelain de Belfort en 1390 | |
54 | Maître Vuillaume de Bavilliers | clerc, tabellion de Belfort en 1390 ; chanoine et prévôt de l'église de Belfort en 1381 ? (23) | |
54 | Robert de Suarce | écuyer, témoin en 1390 | |
54 | Etienne de Combates | écuyer, témoin en 1390 | |
54 | Bourquard de Chèvremont | témoin en 1390 | |
54-55 | Jehan de Moffans | prêtre, notaire public en 1390 | |
60 | Anthoinne de Balmate | seigneur d'Essert | |
63 | Monseigneur le duc d'Autriche | Sigismond de Habsbourg (1427-1496), archiduc d'Autriche, régent du comté de Tyrol et de l'Autriche antérieure de 1446 jusqu'à son abdication en 1490 | |
80 | P. Sisole | représentant (avocat) des seigneurs et dames d'Essert | |
85 | Jehan Horry de Roppe | chevalier, conseiller de Monsr. de Morimont pour le procès | |
85 | Jehan Horry Machabrey | écuyer, conseiller | |
85 | Estienne de Saint-Loup | écuyer, conseiller ; dans l'archive AD21 B 503 est cité Étienne de Saint-Loup, seigneur de Ronchamp | |
86 | Maître Jehan de Taverne | prêtre, conseiller | |
86 | Messire Claude de Saint Huant | prévôt de l'église de Belfort, conseiller ; chanoine ; la famille de Saint-Huant fait partie des notables belfortains pendant la période autrichienne | |
86 | Jehan Petit Prevost | conseiller | |
86 | Jehan Guillaume le Mercier | conseiller ; membre du conseil de la ville en 1468 | |
86 | Anthoinne Mercier | conseiller | |
86 | Jehan de Derney | conseiller | |
86 | Jehan Prevost | conseiller | |
86 | Guillaume Belhoste | conseiller ; riche notable belfortain de la fin du XVème siècle ; fonde la chapelle de la Trinité en l'église de Belfort en 1492 (voir notre article) | |
86 | Monin Jolibois | conseiller | |
87 | Jehan Estraictot | bourgeois de Belfort, conseiller ; membre du conseil de la ville en 1457 |
Trois extraits des dépositions des témoins, qu'heureusement le scribe n'a pas filtrées...
(l. 22-23) Jehan Magny d'Argissans (...) dit en oultre quil a oiz dire a son papon quil fut une foy monnier dudit molin et y print ung loux par la queue en la bay dudit molin et le tint jusques a tant que lon lui vint tuer entre les mains.
Jehan Magny d'Argiésans (...) dit en outre qu'il a entendu dire par son grand-père (24) qu'il fut une fois meunier dudit moulin et y prit un loup par la queue en l'abée (7) dudit moulin et le tint jusqu'à ce qu'on vint le tuer entre les mains.
(l. 24-25) Vuillemin Tiserant de bavillier (...) a bien oiz dire quil y auoit ung batant aussi lequel la femme le vielle pillard brulit et y bouta le feu par meschoite.
Vuillemin Tiserant de Bavilliers (...) a bien entendu dire qu'il y avait un foulon auquel la femme du vieux Pillard mit le feu accidentellement.
(l. 40-41) Jehan Maistrot de bavillier (...) a oir dire a son oncle tabourat quilz avoient prins les exandres de la maison dudit molin lui et les aultres bergerest et en avoient fait une louge es preilz
Jehan Maistrot de Bavilliers (...) a entendu dire a son oncle Tabourat qu'ils avaient pris les aissendres (9) de la maison dudit moulin, lui et les autres bergers et en avaient fait une cabane dans les prés
L'intérêt du présent document est de nous donner toute la procédure de cette affaire, et de citer de nombreuses personnes. Avec des détails rares : ces petits bergerets qui se construisent une cabane avec des planches de récupération, ou Jean Magny, âgé de 80 ans en 1472, qui évoque le souvenir de son "papon" capturant un loup vers le canal du moulin (voir Anecdotes), ou aussi l'un des premiers témoignages de l'usage du papier dans la région.
Il procure également un éclairage sur les fondements et les pratiques judiciaires ayant cours en ces temps et lieu.
D'abord c'est le seigneur engagiste (Jean de Morimont) qui fait office de juge ; notons cependant qu'il rend son verdict en s'appuyant sur les avis d'un conseil formé d'une quinzaine de membres, clercs et laïcs, nobles et non nobles, et même en leur nom (Et avec moy sont estez a bailler ceste presente sentence ceulx que sensuiguent ...).
Il a auparavant fait procéder à une enquête par des commissaires, qui ont visité la place litigieuse et recueilli des témoignages. Il a examiné les comptes-rendus et dépositions, ainsi que les documents fournis (dont l'instrument de 1390). Ces procédures ne sont pas si éloignées des pratiques modernes, même si les témoins ne sont pas appelés "à la barre".
Mais tous les éléments précédents ne concernent en fait que la partie requérante, qui appuie ainsi sa demande sur des arguments concrets.
À l'opposé, les défendeurs, dames et seigneurs d'Essert, représentés par un juriste sans doute éminent (P. Sisole), déploient dans leur "contredite" foule d'arguments savants, basés sur des textes de lois antiques (ici), dans l'intention de démontrer que la demande du requérant est irrecevable pour vice de forme, ainsi que l'acte de 1390.
Concernant le moulin lui-même, dont l'existence est difficilement contestable, ils arguent que rien ne prouve qu'il ait appartenu aux prieurs, et que, en effet, les témoins ne le rapportent que par ouï-dire.
Mais par ailleurs ils n'apportent aucun élément pouvant établir que ce moulin leur appartenait.
L'argument final des défendeurs est que les droits qu'auraient pu avoir les prieurs sur le moulin et son fonds sont entachés d'une prescription, qui selon eux, serait de 30 ans (ligne 73).
Cet argument pourrait faire sens, à condition toutefois qu'il soit juridiquement étayé, mais sur ce délai de prescription et son champ d'application, les défendeurs n'évoquent que "laquelle selonc les coustumes du pays ou est assis ledit exers est asses souffisante pour exluder lentention dudit prieur", sans fournir aucun document à l'appui.
Au final, le seigneur de Belfort accepte et valide la requête des prieurs, sans malheureusement que sa sentence soit argumentée. On aurait aimé connaître les délibérations des conseillers, savoir en particulier si les clercs ont soutenu les doctes arguments juridiques des défendeurs, ou si les nobles (les seigneurs de Roppe) les auraient appuyés par réflexe de caste, et à quoi les uns et les autres ont pu être sensibles.
Malgré cette conclusion favorable au prieuré, la revendication de son droit au moulin sur la Douce donna lieu, longtemps, à de multiples contestations.
Ce document, extrait du cartulaire de l'abbaye (AD68 1D 25), montre qu'au début du XVè siècle, un prieur mis toute son énergie à relever le prieuré de Froidefontaine et lui permettre de recouvrer ses moyens financiers.
Transcription : /1 Cy apprest sensuiguent les affaires, proces et plaidoiries que frere pierre |
Adaptation en français moderne : /1 Ci-après s'ensuivent les affaires, procès et plaidoiries que frère Pierre |
Ce texte, bien que peut-être un peu hagiographique pour le prieur Pierre de Lille (nom qu'il faudrait sans doute lire Pierre de L'Isle : originaire de L'Isle-sur-le-Doubs), montre bien les vicissitudes auxquelles les institutions religieuses elles-mêmes pouvaient être confrontées.
Il est impossible de dater exactement ce texte. Le rédacteur emploie de manière un peu abusive l'adjectif corrent (courant). L'archive, qui a la forme d'un registre, si on admet que les écritures étaient chronologiques, permet d'encadrer la date de cet acte entre celles des 2 textes datés les plus proches : 25 février 1456 (p. 188), et 26 novembre 1462 (p.194-195).
Nous admirons au passage la saveur du vocabulaire : après la mort du prieur Pierre du Magny, "tous les biens quelcunques dudit priorey furent pris par les officiez de Dele et par ceulx de Belfort quilz se combaitoient les ung contre les aultres pour avoir la despoille de la poure (pauvre) ecclise" ; ils n'en laissèrent que les pierres, même les reliques furent perdues, et une partie des livres ; "tous les papiez et roules (rôles, registres) des rentes et censes dudit priourey furent pris, ars (brûlés), despeciez, desiriez (déchirés) et empourtez", les édifices "aloient par terre de viellesse don ledit frere Pierre de Lile fut moult esbahiz et desconfortez quant il eut pris la possession dudit priourey et fut en voluntey de quittiez et abandonner ledit priourey tant pour les choses que dessus comme pour ce quil ne trovit de quoy vivre audit priourey". Mais le prieur réussit à retrouver à Montbéliard d'anciens papiers du prieuré et "à grant peine, travalx, fraistz, missions, despens, perilz, menaices, proces et plaidoiriez", il put reconstituer les documents et "recouvrer la plus grant partie des censes". Cet énorme travail de relèvement sera poursuivi par ses successeurs.