Avant de détailler nos trouvailles, faisons le point sur les dispositions légales en vigueur.

On doit distinguer les âges :

• du droit au mariage, c'est-à-dire celui avant lequel il est interdit de convoler,
• de la majorité matrimoniale, i. e. celui avant lequel l'autorisation parentale (ou tutorale) est nécessaire,
• de la majorité civile, i. e. celui à partir duquel on cesse d'être sous l'autorité paternelle ou sous la tutelle, et où on peut administrer seul ses biens, et accomplir tous les actes de la vie civile.

Pour simplifier, nous nous limiterons à 2 époques : l'ancien régime "classique" et l'époque actuelle.

On voit ainsi qu'un mariage à 14 ans n'était pas prohibé. Ce qui ne signifie pas qu'il fut la norme ; nous verrons plus loin qu'au contraire, l'âge au mariage au XVIIIè siècle (et avant) était plutôt élevé.

Parmi 55815 actes dépouillés, l'âge du mari est mentionné dans 34105 cas, celui de l'épouse dans 34983.
On sait que les actes d'ancien régime les omettent souvent, ou les mentionnent approximativement.

Voici les résultats concernant des mariages juvéniles, jusqu'à 1900 (on verra que les âges les plus précoces se rencontrent souvent avant 1810) :

(En gras, le nombre effectif, après vérification)
Le schéma matrimonial traditionnel, avec l'épouse plus jeune que le mari, est en moyenne clairement respecté. 

En plus du cas cité par Christine, nous avons relevé les mariées de moins de 15 ans et les mariés de moins de 17, et effectué les vérifications d'âge, à chaque fois que possible :

* : âge noté sur l'acte ; ** âge calculé à partir de l'acte de naissance.

Le "record" est ainsi détenu par Marie Françoise Collin, mariée en 1801 à l'âge de 13 ans, 4 mois et 23 jours et, pour les jeunes gens, par Jean Claude Malhyverné, à 15 ans, 11 mois et 20 jours.
Sans préjuger évidemment des âges erronés ou omis, ni bien sûr des EC non dépouillés.

Il est difficile de dire à priori si ce début chaotique de vie conjugale a eu des effets durables sur la situation des conjoints. L'époque, l'intégration du jeune couple dans la famille parentale d'un des deux ont sans doute eu une influence.
Regardons d'un peu plus près les 2 couples en haut de chaque liste :

Marie Françoise Collin et Jean Tournier

Marie Françoise est la fille de Nicolas Colin et Marie Françoise Grille. Jean Tournier et elle ont leur premier enfant (apparemment viable) en 1805 ; Marie Françoise a alors 15 ans, sans doute l'une des mères les plus jeunes que nous ayons relevées (1). On peut bien sûr imaginer qu'une première grossesse, accidentelle, n'était pas arrivée à terme.
Le couple aura 11 enfants ; le père décédera en 1854, à 74 ans ; quant à Marie Françoise, elle aura le temps d'enterrer plusieurs enfants adultes avant de décéder en 1863, au même âge que son mari.

Pierre François Bertin et Jeanne Marie Periot

On retrouve ici la jeune fille d'où notre investigation était partie. La réponse à la question du titre est donc "non, à 13 ans" (+ 5 mois et 3 jours).
Jeanne Marie était donc née à Bessoncourt de Conrad Periot et Marie Duvernois. À son mariage son père était décédé.
Le premier enfant du couple vient au monde en 1737 ; 4 autres suivront, dont 2 seulement survivront. Pierre François décède en 1748, à 38 ans. En 1750, Jeanne Marie convole avec François Louis, de Bessoncourt, du même âge qu'elle. Ils auront 9 enfants, et Jeanne Marie décédera en 1776, à 55 ans.

Jean Claude Malhyverné et Marguerite Mercier

Ce cas est extrême par la différence d'âge entre les conjoints : au mariage, la femme est deux fois plus âgée que le mari !
Leur premier enfant naît en décembre ; ils en auront 4 en tout, dont un mort-né.
L'histoire se termine tristement pour Marguerite qui meurt en couches à 40 ans, en 1746 ; Jean Claude n'a que 23 ans ; deux ans après, il se remarie à Jeanne Chauvé, du même âge que lui.

Henry Gainon et Marianne Cesard

Au mariage, les deux conjoints sont décrits comme journaliers. La recherche des naissances donne immédiatement la raison du mariage : leur premier enfant, Marie Agathe, naît le 30 novembre, 4 mois et demi après le mariage (Henry a 16 ans et 3 mois, sans doute le père le plus jeune que nous ayons relevé). Ils en auront 3 autres. Deux survivront.
Henry, le père, meurt en 1818 à 39 ans. Son épouse décède en 1837, à 59 ans.

Dans ces 4 cas au moins, il semble bien que la jeunesse de l'un des deux conjoints passe vite au rang d'anecdote. Les autres impératifs et difficultés inhérents à cette période s'imposent rapidement.

À l'autre extrémité de la pyramide des âges, on recense 7 mariages où le mari est octogénaire, de 1780 à 1863.

Ces situations n'ont rien d'extraordinaire. Arrêtons nous seulement sur le "recordman" :
Nicolas Chappuis, d'Anjoutey, veuf, épouse en 1845, à l'âge de 85 ans (né en 1760), la jeune Marie Catherine Merlet, de 64 ans.
La situation est un peu particulière, car à cette occasion, l'époux reconnait un enfant, Thomas François, né 20 ans plus tôt, alors qu'il était lui-même maire de la commune, et avait à ce titre officialisé cette naissance...
Nicolas n'assumera officiellement son rôle de père que pendant 2 ans, car il décède en 1847.

L'épouse la plus âgée au mariage est Marie Thérèse GIRARDEY, qui, aussi en 1845, à 75 ans, épouse à Grosmagny Théodore MARCONNOT, de 14 ans son cadet.

Pour présenter un intérêt, cette mesure doit porter sur les premières unions (ce qui n'était pas le cas du paragraphe précédent).
Un tel calcul nécessite donc d'étudier une à une la situation matrimoniale des conjoints.
Renonçant à une telle gageure, nous nous limiterons à quelques résultats disponibles, pour les XVIIIè et XIXè siècles (avant, les âges mentionnés sont absents ou trop approximatifs).

Quelques chiffres :

• Une enquête portant sur des "nouveaux" conjoints en France entre 1740 et 1829 donne un âge moyen de 28 ans pour les hommes et de 26 ans pour les femmes, avec une variation de +- 1 an.
• Une étude locale (Charleville, entre 1770 et 1890) montre un âge moyen pour les premiers mariages entre 27 et 31 ans pour les hommes, et entre 24 et 27,5 ans pour les femmes, avec une tendance à la diminution pour ces dernières. On est donc dans des valeurs similaires.
  
  

Une remarque plus globale sur l'ancien régime : les mariages étaient souvent tardifs afin de limiter le nombre des naissances. Ce retard avait donc un but contraceptif, en l'absence d'autres moyens. Deux citations :

• L'âge au mariage est tardif et s'accroît entre le seizième et le dix-huitième siècle (2).
• Cette coutume constituait l’« arme contraceptive par excellence de l’Europe classique » (3).

Les cas relevés dans le 1er paragraphe constituaient donc bien des singularités.