100 ans

Belfort, la préfecture, AD90 7 Fi 568

Par LISA & O. Billot
Le "Territoire de Belfort" que nous connaissons a connu, administrativement, 3 situations successives depuis la Révolution française :

  • 1790 à 1871, il était inclus dans l'arrondissement de Belfort du département du Haut-Rhin,
  • 1871, annexion de l'Alsace-Lorraine par l'Allemagne (Traité de Francfort, fin de la Guerre franco-allemande de 1870), un territoire au statut spécial, appelé d'abord "arrondissement subsistant du Haut-Rhin", puis "territoire de Belfort",
  • 1922 (11 mars), création d'un département à part entière, le 90e, sous la dénomination de "département du Territoire-de-Belfort".
1. Belfort dans le Haut-Rhin

Il importe, ici encore, de rappeler qu'historiquement, la région de Belfort formait la partie francophone de l'Alsace et que ses liens avec la Bourgogne (Franche-Comté) étaient ténus (hormis aux points de vue diocésains et linguistiques).

La structure du département du Haut-Rhin s'est stabilisée en 1800. Il comptait alors 3 arrondissements : Altkirch, Colmar et Belfort.
Outre notre "Territoire de Belfort", ce dernier arrondissement incluait le canton haut-rhinois actuel de Cernay, et une grande partie de celui de Masevaux :

d'après AD90 2Fi31
La ligne verte est la délimitation de l'ancien arrondissement de Belfort.
La bande bleue marque la limite du Territoire de Belfort, la rouge celle de la zone francophone ayant fait l'objet de
négociations en 1871, mais qui a été finalement annexée par l'Allemagne.

Suite à la défaite française concluant la guerre franco-allemande de 1870-1871, la France doit concéder à l'Allemagne l'Alsace et une partie de la Lorraine. Les négociateurs français tentent d'obtenir l'ensemble des communes à majorité francophone du Haut-Rhin, mais l'accord se fait finalement sur la ligne de partage des eaux entre le Rhône et le Rhin.
C'est aussi suite à ce traité que fut mis en place le statut des optants pour la nationalité française, qui concernait les citoyens nés dans les régions annexées et résidant, en 1872, hors de l'empire allemand. Beaucoup habitaient alors dans cette partie non annexée du Haut-Rhin.

Dés l'origine, se posa la question de savoir quelle destinée, et quel statut attribuer à ce territoire resté français. Trois options étaient possibles :

  • le rattachement à l'un des départements voisins : Doubs ou Haute-Saône,
  • la création d'un département à part entière,
  • le maintien dans un statut provisoire.

Une commission, dirigée par M. Armand Viellard (2) préconise la seconde solution.
Cependant, pour maintenir la perspective d'un retour en arrière, et d'une récupération des territoires perdus (et peut-être aussi vu la taille modeste du territoire), c'est la 3ème option qui fut préférée. On considéra donc que ce "territoire de Belfort" constituait la partie subsistante du département du Haut-Rhin, dont la mention subsistera dans les documents administratifs (1).

Entête d'arrêté préfectoral en 1921 ; AD90 2m 7 (L'Administrateur, faisant fonctions de Préfet...)


Il fallut bien néanmoins munir ce territoire de structures et de bâtiments d'administration : une commission faisant office d'assemblée départementale, un administrateur faisant fonction de préfet, un bâtiment construit à Belfort, place de la République, inauguré en 1903 (qui, dés l'origine, fut appelé "préfecture").

Avant de passer à l'étape historique suivante, on peut remarquer que la Lorraine a aussi connu un redécoupage administratif résultant de la défaite de 1871.
Mais l'issue a été différente : la (petite) partie de la Moselle et la partie de la Meurthe non annexées ont, elles, formé dés cette année-là un nouveau département : celui de la Meurthe-et-Moselle, qui a remplacé celui de la Meurthe comme 54ème département français.

2. Question soulevée par le retour de l'Alsace-Lorraine à la France

Dés 1918, alors que le Haut-Rhin redevient un département français, se pose, plus définitivement, la question du devenir de ce territoire de Belfort. Il était clair qu'il n'était plus possible de conserver un statut provisoire alors que ce qui l'avait justifié avait pris fin.

4 options apparurent :

  1. reconstituer le Haut-Rhin à l'identique : option la plus logique, car elle avait induit le choix précédent,
  2. constituer en Alsace 3 départements de tailles comparables dont, au sud, un nouveau département du Haut-Rhin, étendu à Thann et Mulhouse, dont Belfort serait le chef-lieu,
  3. création d'un département à part entière.
  4. création d'un département incluant le territoire de Belfort, le pays de Montbéliard et une partie de la Haute-Saône : cette option fut soutenue par la Chambre de Commerce de Belfort, pour des raisons économiques issues des évolutions industrielles de la période précédente.

Si les seconde et quatrième options, vu leur complexité, furent assez vite abandonnées, les élus, les partis et les journaux d'opinions s'opposèrent pendant 3 ans sur la première et troisième.

En 1921, l'option 1 est abandonnée et la 3ème s'impose, essentiellement parce qu'elle était la plus facile à mettre en œuvre.

La question fut finalement tranchée, ou plutôt devint sans objet lorsque Belfort fut désigné dans un acte officiel comme préfecture, et que, le 11 mars 1922, l'administrateur du territoire reçut le rang de préfet (ci-dessous).

Entête d'arrêté préfectoral en 1923 ; AD90 2m 7 


Pour poursuivre le parallèle avec la Meurthe-et-Moselle, on peut remarquer que la réintégration de l'intégralité de la Lorraine à la République Française n'a pas non plus provoqué un retour à la situation antérieure à 1871 : le département de Meurthe-et-Moselle est demeuré inchangé, alors que la partie de la Lorraine retrouvée a formé un nouveau département de Moselle, dont on peut voir ci-dessous le contour (2).

© Sémhur / Wikimedia Commons


La question des appartenances régionales réapparut 30 ans plus tard. En 1956, le Territoire de Belfort n’intégra pas la "région de programme d'Alsace" qui fut limitée aux départements du Bas-Rhin et Haut-Rhin.
En 1960, le Territoire de Belfort fut séparé de l'Alsace par son rattachement à la "circonscription d'action régionale de Franche-Comté", "région Franche Comté" depuis 1982, et "région Bourgogne-Franche-Comté" depuis 2016.

3. Abel Maisonobe, premier préfet du Territoire-de-Belfort

Le 23 mai 1920, sur décret du président de la République Paul Deschanel, Abel Maisonobe était nommé administrateur du Territoire de Belfort :

AD90 2m 3


Le 11 mars 1922, il est nommé préfet de ce qu'il convient désormais d'appeler département ; en l'absence d'autre acte officiel, cette date est considérée comme celle de création du département.

AD90 2m 3


M. Maisonobe ne restera à Belfort que jusqu'en octobre de la même année, suite à quoi il deviendra préfet des Landes, et terminera sa carrière en Corrèze.

Abel Maisonobe (AD90 7 Fi 1226)


Même s'il a laissé peu de traces dans notre département, il nous a plu de noter que ce castrais d'origine était d'une certaine manière relié à nos activités, puisqu'il fut archiviste-paléographe, diplômé de l'école des Chartes, et exerça comme archiviste en Lozère, avant de faire carrière dans la préfectorale.


Notes
1. Au moins jusqu'en 1904, où le "territoire de Belfort (partie) du Haut-Rhin" se mue en "Territoire de Belfort", tout court, avec une majuscule, mais sans les tirets.
2. Hormis les 2 cantons (Schirmeck et Saales) qui, détachés en tout ou partie du département des Vosges en 1871, resteront intégrés au Bas-Rhin après 1918.
Cet article est publié par LISA sous la seule responsabilité de son auteur.  
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