Franchises de Grandvillars (AN K 2362)

Hegodis, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons
Par LISA
Archive : AN K 2362
Confirmation en 1477 des franchises de Grandvillars, par Jean et Thiébaud de Grandvillars, seigneurs du lieu, en reprise de celles données par leurs prédécesseurs Guillaume de Grandvillars et Girard de Cusance en 1392.

Cette pièce (en fait une copie ancienne), peu connue, fait partie du "Fonds Montbéliard" conservé aux archives nationales (série K)

1. Transcription
p. 1

Nous Jehan et Thiebault de Grandvillers, frères, seigneur
audit lieu, et chascung de nous en droit, soy faiçons scavoir à
tous ceulx qui ses presente lettre verront et oyrront que nous,
et chascung de nous, avons veu, oyr, entenduz et diligemment regarder
les franchises, libertey et exceptions de mainmorte faictes
jaydis, donnez, ouctroyez, concedez et baillez par furent de
nobles memoyres nos chiers et honnorey seigneurs et predeccesseurs
messire Guillaume de Grandvillers, seigneur dudit lieu,
conforme, approuver, ratiffiez et omologuer par furent
honorez seigneur Jehan de Cussance, seigneur de Belvoir,
escuyer et Messy Girard dudit Cussance, chevallier, lors
seigneur du fief dudit Grandvillers, aux bourgeois, hommes,
femmes et anffans habitans, residans et demeurant
audit Grandvillers, seellez de leurs seaulx et signez du
soings (2) manuelz de Messy Gillet Gamallon de Reye
de Vermondan (1) aux dioceses d’Amiens, clerc notaire publicque
de la court impérialles et jurez de la court de Besançon,
comme nous a soffisamment apparuz à tous par icelles, 
dont la teneur s’ensuyt de motz en motz cy après. In
mo… d… Amen. Par ce present publicque instrument
apparisses à tous evidamment que en l’an d’icelluy
seigneur courant par mil trois cent nonnant et
ung selon le stille de Besançon le tiers jours du
moys d’apvrilz environ heures de primes l’indition
quatorzieme du pontifficaly de notre tresainct père
en Jesucrist et seigneur notre seigneur Clément par 
divinne provence de Dieu pape, septieme en son en
troisieme, en la villes de Grandvillers au diocese de 
Besançon, c’est à scavoir au poilles de la maison de
l’abitation de noble seigneur monseigneur Guillaume de
Grandvillers, chevallier, en la présence de moy Gillet
Gamalon de Roye en Vermodan du dioceses d’Amiens, 
clerc notaire publicque de l’octoritey imperialles et
pp. 2-3
jurez de la court de Besançon cy desoubz escript, et des
tesmoings cy après nommez, personnement constituer
et establiz et adce especiallement venant, lesdits messy
Guillaume seigneur dudit Grandvillers, chevallier, lequelz
mehuz (2) de pitié et compassion, regardans et 
considerans la feblesses des biens temporelz de ce
monde, en laquelle ses hommes, femmes, tant vielle
comme jeusnes, et les enffans, tant petit comme
grand de mortemain ont estez ou temps passez
et sont encourt par le temps présent, lesquelz sont
demeurans en residans en ses villes dudit Grandvillers
et ès Meubres (?) appertenant à ladite ville, seigneurye d’icelluy
lieu de Grandvillers, recongneuz et confessez en droit,
par devant moy et lesdits tesmoings, pour luy et pour
ses hoirs et pour tous les successeurs seigneur dudit
Grandvillers de desdits Meubre apartenant audit Grandvillers,
comme bien sachant et advisez par bon conseil et
mesure, deliberation sur ce eheu, non cyrconvenuz ou
baretey en aulcune maniere, mais cerciorey de sa 
certainne ciense, pure liberalle et franche vollunté,
aussy pour faire grandz amors, services bien faict, curialitey et
courtoissiers que lesdits hommes, femmes, tant vielles
comme jeusnes et enffans, tant petit comme grant
luy ont faict au temps passez, font de jours en
jours et expere que mieulx faicent au temps advenir,
avoir ouctroyer et remis, donnez et quictez purement,
franchement et liberallement à tousiours, perpetuellement,
sans aulcung rappelz faire au temps advenir en
aulcune maniere soit tasiblement ou appertement
à tous lesdits femme, tant vielles comme jeusnes
et les enffans, tant petit comme grant, de mortemain,
pour leur et pour leurs hoirs quelconques hommes et
femmes dudit seigneur de Grandvillers et de ses successeurs
seigneur dudit lieu, c’est ascavoir ceulx et celles qui
seront de la justice et seigneuries dudit Grandvillers
et desdite Meubres, tant seullement et par la teneur de ce present
publicque present instrument ouctroye, remect, quicte et donne
purement, franchement et liberallement à tousiours,
perpetuellement comme dit est, à tous lesdits hommes,
femmes, tant vielle comme jeunes et effans, tant petit
comme grand, et leurs hoirs, tant iniversallement comme
particullierement la grace de mainmorte et la franchises
d’icelles, par la maniere que s’ensuyt, c’est asscavoir
que dés la datte de ce present publicque instrument,
touttefois et quanteffois que aulcung ou quelque
personnes que ce soit, tant universellement comme
particullerement, homme ou femmes de ladite seigneurie
et des lieu desdits Grandvillers et Meubre trespaceray de
ciecle en l’aultre, ou leurs hoirs, sans avoir hoirs
legitimes née et procréé de leur propre cors, de graice
especialles, toutes l’eschutes, entierement que de droict
et de raison me doibvent competer et appartenir pour
ladite mainmorte que ainssy escharray des personnes que
ainssy trespaceront de ce siecle en l’aultre, comme 
dit est, seront sans aulcungs contredit ou empeschement
et sans rappelz soit et adcingné à plus prochains du
linaige d’une chascune personne tespacé, c’est asscavoir
à plus prochain hoirs de la partie de laquelles l’escheutte
sera ainssy advenuz, et nom aultrement, sy comme les
choses dessusdites et chascunes d’icelles lesdits messeigneur
Guillaume, pour luy et pour ses hoirs, successeurs
seigneur dudit Grandvillers et desdits Meubre louha, gréa,
veult consantir, passa, approva, ratiffia et expressement
accourda par devant moy et lesdits tesmoings, et a
promis et promect ledit chevallier, pour luy et pour ses
hoirs, et pour tous ses successeurs seigneur dudit lieu
de Grandvillers et desdits Meubre appartenant audit
Grandvillers, leallement et par la foy de son propre
cors, pour ce donnez et touchez corporellement, en
pp. 4-5
la main de moy notaire publicque cy desoubz escript
sollennelle et legitime stipullation sur ce entreve…
et soubz l’espresse ypothecque obligation et cap…
de tous et singuliers ses biens et des biens de ses
hoirs quelconques presens et advenir où qui soient et
puissent estre treuvé, grace franchisses, donnation
quitance cy dessus escriptes ainsy par ledit chevallier,
pour luy et pour ses hoirs, faicte comme dit est
à tous ses hommes, femmes, tant vielles comme
jeusnes et enffans, tant petit que grand presens
et advenir et leurs hoirs, tant universallement
comme perticcullierement que sont et seront 
de ladite ville de Grandvillers et des Meubre justiciables
en la seigneurye dudit Grandvillers, tenir et avoir
pour aggreables et tousiours ferme et estable sans
comronpre en aulcune maniere, tasiblement ou 
apartement, à laquelle choses, ilz, pour luy, ses hoirs
et pour tous ses successeurs seigneur dudit 
Grandvillers et desdits Meubre renonça expressement
par sondit serement et par sadite fois et aussy à tous
droit de canon et de loys escrips et nom escriptz,
à toute seigneurie libertey et franchises à la 
grace dessusdite et à tous les convenances cy dessus
escriptes non estre dehuement et justement faictes
renonces, quictes et de grace especialles donne, à
toutes autres choses quelconques generallement
et expeciallement que en pourroit dires et
oposez contre la teneur de ce present publicque
instrument, mesmement à droit disant que generale
renoncement ne vault se l’especialle n’est premor (?), de
laquelle grace de donnation, recognoissances,
promesses, obligation, renoncement et de toutes les
choses dessusdites ledit monseigneur Guillaume, pour luy,
ses hoirs comme dit est ouctroya et donna et 
bailla par moy ce présent publicque instrument de
grace et donnation de franchisses à tous sesdits
hommes et femmes comme dit est pour leur et 
pour leurs hoirs comme dessus dit, pour en
jouyr et user à tousiours paisiblement. Ce fut
faict et donnez soubz le seel dudit chevallier, pour 
luy et pour ses hoirs, comme dit est, mist et 
pendant à ce present publicque instrument avec 
mon soingz publicque l’an, le jour, l’eure le
moys l’indition et le pontiffical, la ville et 
lieu que dessus ; presens ad ce Vuillemenat le Flacat
Bourquin de Fesches le Chastelz, Jehan son filz, tous
bourgeois de Montbeliard, Jehan Perrin de Pourrentruy,
filz Faulconnate, Henriat le Montaignon de Petit
Joncherey, Henryat Merchan demeurant à Grandvillers,
au… d’eulx bourgeois de Delle et plusieurs aultres
tesmoings dignes et de foys ad ce appellez et 
requis ; et je Guillaume sire de Grandvillers
chevallier, pour moy, mes hoirs et pour tous mes
successeurs seigneur dudit Grandvillers et desdits Meubre,
toute les choses dessusdites et escriptes louhée,
aggrée approuvé et ratiffié estre vrayes et en
tesmoingnaiges de veritey je ay mis mon propre
seel à ce present publicque instrument avec le soings
dudit notaire, ce fust faict l’an et le jours que
dessus et presents les dessus tesmoings, saufz mon 
droict et l’aultruy ; et pour ce que ce soit plus
ferme choses et estables à tousiours, je ay supplié
et requis pour moy et pour mes hoirs, comme dit
est à mes très chers (?) seigneur et doubtey Jehan de
Cuyssance, seigneur de Belvoir, escuyer, et monseigneur
Girard de Cuyssance, chevallier, seigneur dudit fied,
de ladite grace et donnation que à ceste presente grace
pp. 6-7
ainssy faicte je veullent consantir et en signe de verité
mectre leur propre seelz ad ce present publicque instrument.
Et nous Jehan de Cuyssance, sire de Belvoir, escuyer, et 
Girard de Cuissance, chevallier, seigneur du fied, de la grace 
et donnation dessus dictes, ainssy par luy faicte, pour noy
et pour nous hoirs louhons, approuvons, ratiffions
et consantons et accordons, et en signe de veritey avons
mis nous propre seelz à ses presentes lectre publicques, avec
le seelz dudit messy Guillaume et le soings dudit notaire,
saufz notre droict et l’aultruy, ce fust faict l’an et 
jours que dessus est dit. Et je Gillet Gamallen 
de Roye en Vermondans du diocese d’Amians, clerc
notaire publicque de la court imperialles et jurez de
la court de Besançon, à la grace, remises, quictance,
donation à toute les choses donnations contennuez en ce
present publicque instrument, de la partie dudit monseigneur
Guillaume, avec lesdits tesmoings, ay esté present, icelles
ay esté present, icelles veues estredites (?) et faictes ce present
publicque instrument ay escript de ma propre main
et signé de mon propre soing publicque accoustumey
moy, sur tous en tesmoings de veritey, appellez en
tesmoings requis. Et pour que nous, lesdits Jehan et
Thiebault, frère, seigneur dudit lieu et chascun de nous
dessirons et vollons lesdites villes, bourgeois et habitans
estre entreduz, gardez, confermey en leur-dites franchises
et libertey, ainsy paraillement au mieulx que par nous
predisseurs seigneur dudit lieu est estey faict au temps
precedant et passey, aussi pour certaines causes,
raison… ad ce nous meuvans et car aussy nous plait
et le voullons estre faict, icelles dicte franchises,
libertey, exception de mainmorte et contenues à ses presentes
lectres avons ausdits bourgeois habitans, hommes et 
femmes presentz et advenir aggreez, ratiffiez, approuvez
emologuées (2) et confermez, et par ses presentes lectres,
pour nous, nous hoirs et ayans causes agreons, ratiffions,
approuvons, emologons et conformons en toutes et
singulieres lectres, poins, forme, maniere et qualitey,
ainssy et paraillement qu’elles leurs sont estez donnée
et ouctroyée sans riens excepter, reserver ny retenir
à nous hoirs ou ayans causes, promectant nous, lesdits
Jehan et Thiebaut frère, seigneur, de chacun de nous
pour ce donnez et toucher corporellement aux mains
des notaires publicques et jurez de la court de Besançon
soubscriptz, par foy de noblesses et sur nous honneur,
pour nous, nosdits hoirs et ayans cause, pour quant adce
estre controings et compellir par l’une et l’autre des
courtz et juridiction de Besançon soullennelles et 
temporelles, et autre eclesiasticques et seculliers
ensembles par une foys ou plussieurs, c’est asscavoir
par sentence d'excommunement, par la promesses, caption,
vendition, distraction et alienation de tout et 
singuliers nous biens, ceulx de nosdits hoirs et ayans causes
meubles, immeubles presens et advenir, acquis et adquerir
quelconques, renonceans quant adce, nous, lesdits
Jehan et Thiebault frere et chacun de nous, à tous
francz barais, malengin, exception, deceptions, à toutes
cautelle, cavillain, que contre ses present pourroit estre
dites, obicer ou posser et à droit disant generales
renoncement ne valloir ce l’especialle ne precede, de 
vuillans et expressement noz consantons ces presentes
valloir et sortir pleint effect en tout et partout, comme
se fussent les propre orriginelz lectre. En 
tesmoingnages desquelles, chacune et d’une chacunes
d’icelles nous avons mis noz scelz armoyé de nous
armes et d’ung chacun de nous lesdits Jehan et 
Thiebault pendans à sesdites presente lectres ensembeles
avec les soingz manuelz des notaires publicques
imperialle et juré de la court de Besançon
soubscript donnez comme dessus, que furent 

p. 8
faicte et donnez le jour de feste conception notre
dame huictieme jours du mois de decembre l’an notre
seigneur courant mil quattre centz septante et sept
presens adce discrette personnes messire Thiebault
Mareschaulx, curé de Grandvillers, Jehan Ferriat de
Buran, curé curé de Grone, Guillaume Cherdollet de
Belfort, curé de Novillers, Bourquin Nomme de Dele,
curez de Boulonge, Cuene Guerardt, chapellain à
Mourvillers, tous prebstre, Jehan Pepolz, Perrin Carrillon,
Perrin Mareschaulx alias Viroly, Vuillemin Girard, sergent,
Vuillemin filz Vuillemin Mareschaulx, Jehan Vuillemin
Guillet, maistre bourgeois, Perrin Petremand, muchard (?),
Jehan Louy Vuillemin, morion, Jehannenat Bicquelardt,
tous des bourgeois, conseillier de ladite villes de
Grandvillers, acceptant pour et en nom des aultres
de ladite villes et aultres tesmoings adce appellez
speciallement requis.
2. Commentaires

Origine de l'archive

Cette archive (K-2362) fait partie du "Fonds Montbéliard" des Archives Nationales.

Après la Révolution, l'ensemble des Archives du duc de Wurtemberg fut versé, par traité avec celui-ci, au domaine public français.
Elles restèrent pendant 20 années oubliées dans un local annexe du collège de Montbéliard.

En 1817, le garde général des archives du royaume fut prévenu de leur existence et accepta de les répartir, après inventaire, entre les 3 départements s'étant partagé l'ancien comté de Montbéliard (Doubs, Haute-Saône, Haut-Rhin).

Suite à de nombreuses vicissitudes, l'inventaire ne fut achevé qu'en 1839.
Les fonds furent finalement répartis en 4 lots : les 3 premiers ne furent constituées que des pièces attachées spécifiquement aux communautés, paroisses ou notaires de chacun des 3 départements.
Tout le reste fut remis aux Archives de France, devenues Archives Nationales, dans les séries Z-2 pour les archives judiciaires, et K (titre XI) pour le reste.

C'est dans ce lot que nous trouvons le document qui nous intéresse. On peut néanmoins remarquer qu'il concerne exclusivement la ville de Grandvillars, et aurait pu à ce titre avoir été remis aux Archives du Haut-Rhin.
En parcourant le détail des archives que nous avons numérisées (par l'intermédiaire du groupe "Familles parisiennes"), on pourra constater que ce n'est pas le seul à avoir subi un tri plutôt arbitraire.

Ces archives sont peu connues, et nous n'avons pas trouvé trace de transcription de ce document.

Date de la franchise originale

Elle est ainsi mentionnée (après adaptation) :
"(...) l'an (...) mil trois cent nonante et un selon le style de Besançon, le tiers jours du mois d'avril (...), l'indiction quatorzième du pontificat de notre très saint père (...) Clément pape septième (...)"

Le terme "indiction" a le sens de "année dans l'exercice de la charge".
Le pape dont il est question est en fait l'antipape Clément VII, né Robert de Genève, élu le 31 octobre 1378 contre le pape "romain" Urbain VI et qui siégera à Avignon jusqu'à son décès en 1394.

Cette élection nous permet de préciser la date de l'acte. En effet, celle du 3 avril 1391, style de Besançon (ou style de Pâques, cf. notre article) est ambiguë, car cette année, dans ce style, s'étend du 26 mars 1391 au 13 avril 1392. Il y donc en fait deux 3 avril 1391, dans le style de Pâques.
Selon les usages, le second devrait être accompagné de la mention "avant Pâques". Ce qui n'est pas le cas ici (toutefois, la mention "style de Besançon" est probablement équivalente).
À quoi correspond donc la 14ème année du pontificat de Clément VII ? La première année débute le jour de son élection, donc la 14ème débute 13 années plus tard, soit le 31 octobre 1391. La date du 3 avril 1392 est donc la seule compatible avec les indications du texte.

Ajoutons toutefois que la mention suivante "en son en troisième" demeure obscure pour nous (peut-être erreur dans la copie de la charte originelle).

Les seigneurs de Grandvillars : la ville et le fief

Grandvillars a un historique assez particulier, comparé aux autres fiefs du territoire de Belfort actuel, dans le sens où il relevait à l'origine du comté de Montbéliard. D'où la présence de ce document dans les archives héritées du comte de Montbéliard.
La famille éponyme le posséda jusqu'en 1570 ; mais, comme souvent, les droits pouvaient être partagés, comme il apparaît ici en 1392. En cette année des franchises initiales, deux membres de la famille de Cusance, seigneurs de Belvoir, apparaissent également : Jean et Girard.

En cette période, les informations dont on dispose, sur l'une et l'autre des familles, sont parcellaires :

Famille de Grandvillars

Louis Chappuis (Généalogies jurassiennes, in Actes SJE, 1929) a étudié la généalogie de la famille de Grandvillars, dont des descendants (illégitimes) devinrent bourgeois de Delémont.

Il mentionne ainsi Guillaume de Grandvillars, fils d'Henry, auteur de la franchise initiale (Chappuis l'indique) ; Guillaume eut 3 fils : Thiébaut I, Jean et Henry.
Au delà, la généalogie devient incertaine jusqu'aux frères Jean et Thiébaut "II" de Grandvillars, qui confirment la franchise en 1477.

Famille de Cusance

Cette famille est plus importante que la précédente, par les biens détenus et les fonctions occupées par ses membres.

On a bien ainsi un Jean de Cusance (? - 1439), chevalier, seigneur de Cusance, baron de Belvoir, de Saint-Julien, baron de Coligny-le-Neuf, puis de Darcey, capitaine et chambellan du duc de Bourgogne (Wikipedia). Il se marie en 1394, et pourrait ainsi être le seigneur mentionné dans la franchise initiale.
Le prénom Girard est fréquent dans la famille de Cusance, sans que nous ayons pu détecter un individu qui correspondrait à celui cité en 1392.

En 1477, seuls les Grandvillars sont cités comme seigneurs du lieu.
Par contre, en 1392, les choses ne sont pas très claires : Guillaume de G. est dit "seigneur de Granvillars", mais Girard de Cusance est dit "seigneur du fief de Grandvillars" (aucun titre lié à Grandvillars n'est attribué à Jean de Cusance).
Il semble donc coexister deux juridictions : la "ville" et le "fief". Que recouvrent-elles respectivement ? La seconde serait-elle attachée à un château ? Et la première pourrait-elle ne pas correspondre à un fief noble ?

Voyons par ailleurs, la manière dont Guillaume de Grandvillars évoque les sieurs de Cusance (texte adapté) :

"(...) et pour ce que ce soit choses plus fermes et établies à toujours, j'ai supplié et requis, pour moi et pour mes hoirs, à mes très chers seigneurs et redoutés Jean de Cusance, seigneur de Belvoir, écuyer, et monseigneur Girard de Cusance, chevalier, seigneur dudit fief, (...)"

Cette formule, ainsi que le fait que la validation par les sieurs de Cusance ait une valeur supérieure à celle de Guillaume, laissent entrevoir une relation de suzeraineté à l'égard des Cusance, confirmant la primauté du "fief" sur la "ville".

Mais ceci n'est qu'une hypothèse.
Des précisions seraient peut-être à découvrir dans les pièces de la cote AN K1799 (Titres et inventaires de titres concernant la maison de Neufchâtel et celles de Cusance et de Belvoir, 1267-1719).

Plan et contenu de l'acte

Remarquons d'abord que cet acte, bien qu'ancien, n'est qu'une copie de l'original de 1477, puisque aucune signature n'y figure.

On note ensuite que le plan de cette confirmation de franchise est identique à celui d'une pièce de même nature, pour Belfort (AMB AA1/2, confirmation des franchises par Rodolphe dit Hesso, margrave de Bade, en 1332)

Dans les deux cas, le seigneur "successeur" commence par évoquer le document d'origine, ses respectables auteurs et sa date.
Ensuite (ici à partir de la marque In) le contenu du premier acte est repris in extenso.
Enfin (à partir de la marque Et) le seigneur "moderne" reprend la main et confirme sa volonté de garantir les droits accordés aux habitants de son fief.

Ce mélange des auteurs ne facilite pas la compréhension du texte -de plus, ici, le notaire rédacteur, Gillet Gamallon, parle également à la 1ère personne. Texte qui, comme c'était l'usage, est par ailleurs surchargé de répétitions, réaffirmations, garanties, formules juridiques redondantes...

Le contenu en est cependant fort simple et peut se résumer en quelques mots :

« Les seigneurs mentionnés ci-dessus ont libéré l'ensemble des habitants de Grandvillars de leur mainmorte en 1392 ; leurs successeurs confirment cette franchise en 1477. »

L'autre point concret de ce texte est la précision apporté à la teneur de la mainmorte abolie :

Transcription
adaptation
(...) homme ou femmes de ladite seigneurie
et des lieu desdits Grandvillers et Meubre trespaceray de
ciecle en l’aultre, ou leurs hoirs, sans avoir hoirs
legitimes née et procréé de leur propre cors, de graice
especialles, toutes l’eschutes, entierement que de droict
et de raison me doibvent competer et appartenir pour
ladite mainmorte (...)
sans aulcungs contredit ou empeschement
et sans rappelz soit, et adcingné à plus prochains du
linaige d’une chascune personne trespacé, c’est asscavoir
à plus prochain hoirs de la partie de laquelles l’escheutte
sera ainssy advenuz (...)
(...) pour tout homme ou femme de ladite seigneurie de Grandvillars et Meubre qui trépasserait sans avoir d'héritier légitime direct, toute la succession, qui de droit m'appartient entièrement par ladite mainmorte, (...) sera assignée sans aucun empêchement au plus proche héritier du défunt.

La mainmorte ainsi abolie était donc, en fait, atténuée par rapport à la forme la plus radicale de cet état, qui était proche de la servitude, et par laquelle l'héritage, dans tous les cas, revenait entièrement au seigneur.
Cette forme antique, qui privait les familles de toute perspective de progression et est apparue économiquement désastreuse, avait été progressivement allégée par les seigneurs.
Au XVIIème siècle, la mainmorte avait pratiquement disparu en France, hormis, précisément, en Franche-Comté.

Points obscurs du texte

En plus des droits respectifs possédés en 1392 par les familles de Grandvillars et Cusance (dont il n'est plus question en 1477), il reste un terme de contenu indéterminé :

À chaque fois qu'est précisée la résidence des habitants de la seigneurie bénéficiant de la franchise, ce terme apparaît en plus de la localité de Grandvillars :

"à Grandvillars et ès Meubres", "... desdits Meubre", "... desdite Meubres".

Il s'agit donc très probablement d'un lieu-dit proche de Grandvillars, nommé peut-être "Les Meubres", mais qui a certainement disparu depuis longtemps, car nous n'en avons retrouvé aucune trace.

Autres actes de franchises

La plus connue des franchises, pour la région de Belfort, est évidemment celle, plus ancienne et d'un contenu nettement plus consistant, accordée en 1307 aux bourgeois de la ville, et confirmée ultérieurement, comme nous l'avons évoqué ci-dessus.

Mais l'archive AN K-2362 contient d'autres actes de franchises, pour la plupart restreintes à quelques familles : elles concernent, pour notre région, les localités de Beaucourt, Châtenois, Nommay et Dorans. Nous y consacrerons éventuellement des articles ultérieurs.
Sur le thème de la mainmorte, on pourra également lire notre article La condition des habitants de Rechotte au XVIème siècle : libres ou mainmortables ?

Et merci à Denis D. qui nous a permis de retrouver le document !

Notes
1. Roye (80700), siège d'une seigneurie du comté de Vermandois.
Cette seigneurie faisait, en cette fin du XIVème siècle, partie des possessions royales, après extinction de la race des comtes de Vermandois.
À noter cependant qu'en 1418 Jean sans Peur, comte-duc de Bourgogne et comte de Flandre l'ajoutera aux possessions de son fils Philippe le Bon comme garantie du paiement de la dot de celui-ci par son beau-père le roi de France Charles VI.
2. mehuz = mu (animé)
soing = seing
emologuer = homologuer
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