Les temps étaient durs
à cette époque où on ne cotisait pas pour sa
retraite.
Pour ceux qui avaient eu la chance d'amasser un petit capital, il y
avait la solution de transformer celui-ci en rente, au profit de leurs
enfants :
Le 7 février 1691, Richard Barnabé le vieux de Lutran et
sa femme Barbe Francheré "se voyant dans un aâge
bien avancé, et dans l'impuissance de faire valloir leurs
héritages [...], se voulant mettre en repos le reste de leurs
jours, affin de n'avoir autre soins de l'avenir qu'à servir Dieu
et travailler au salut de leurs ames [...] cèdent [...] leurs
biens immeubles, soit champs et prés, même les bestiaux" à la réserve de leurs
maisons, verger et dépendances et de 4 bovins, à leur
fils Adam de 24 ans, et à leurs 3 filles Thiennette, Jeanne,
Alice, ou plutôt aux maris de celles-ci, Jean Louis
Thiébaud de Chavannes-sur-l'Etang, Maurice Labouebe et Estienne
Grosjean le jeune de Lutran.
Les rentes qui reviennent aux parents sont assez classiques :
"(...) solidairement, (...) vingts carris de bon grus (...)
chaque jour de feste Sainct Martin, six thines de vin et huit carris
d'avoine. Leur faire courrir deux cochons par an dans les bois du
communal lors qu'il sera du pesnage (...) Plus seront obligés
(...) de fournir annuellement (...) tout le bois qu'il leur sera
necessaire pour leur affuage, leur mener et ramener leur grain et
farine au moulin (...), faucher leurs foins dudit verger (...) le
foinner secher et mener en grange, plus de leur payer le loyer d'une
servante qu'ils prendront dans leur mesnage (...) Leursdits enfants
seront tenus et obligez de payer toutes leurs debtes, les porter francs
quitte et exempt de toutes tailles rentes subventions, cartier d'hyvers
et autres charges et impositions, tant à l'égard des
biens qu'ils ont cydevant cédez que deux qu'ils se sont reservez"
D'autres peuvent étonner :
"même s'il arrivait que par temps de guerre il fallut
refugier, ce que Dieu ne veuille, lesdits enfants seront obligez (...)
de mener et refugier en lieu de seurté, leurdits (...)
père et mère et leurs bagages [les parents ont connu la guerre de Trente Ans],
et audit cas de guerre, que l'on fut obligé sortir du pays, ou
lesdits cedants pourroient tomber en disette et pauvretez ils leur sera
loisible d'emprunter de l'argent pour s'en assister dans leurs besoins
et necessitez et à cet effet hipotequer de leurs biens (...),
même présentement dans le lieu, s'ils tombaient en quelque
maladie et autres infirmitez qu'ils fussent obligez de se servir de
chirurgien et medecin, pouquoy il leur pourrait beaucoup couster
d'argent ils pourront en cas pareillement reprendre quelque pieces de
leurs biens et les vendre."
Pour plus de prudence ... :
"... arrivant le décès de l'un ou de l'autre
desdits cedants, la pension qu'ils se sont cydevant reservée
sera payée entierement au survivant (...) sans que lesdits
enfants en puissent diminuer aucune chose"
Enfin :
"Et si arrivait que l'un ou l'autre desdits enfants fut
desfaillant de payer (...) annuellement ladite pension [solidaire], ils serait loisible
auxdits cedants de prendre de plein droicts desdits biens cedez et les
vendre pour se faire payement (...) sans que lesdits enfants y puissent
mettre aucune opposition ny qu'ils puissent demander aucun rabais de
ladite pension pour ce qu'on leur aurait osté."