Quelques éléments historiques pour situer l’événement décrit dans cet
acte de décès du 4 juillet 1815, transcrit dans les registres d’état civil
de Chaux. (L’orthographe et la ponctuation sont actualisées mais l’acte
original est donné à la suite.)
La France est alors sous le règne de Louis XVIII. C’est la Restauration,
que Napoléon 1er interrompt par la période des Cent-Jours (mars-juillet
1815).
Celui-ci, après avoir été vaincu à Waterloo le 18 juin 1815 puis abdiqué le 22 juin, est déporté à Sainte-Hélène.
Dès la fin du mois de juin 1815, près de 60 départements français (toute
la partie nord de la France jusqu’à la Loire (sauf la Bretagne) et à l’est
d’une ligne Orléans-Montpellier) subissent jusqu’en 1818 une dure
occupation par plus d’un million de soldats de la coalition (Angleterre,
Russie, Prusse, Autriche et Suède).
L’Alsace et une petite partie du nord de la Franche-Comté sont sous
l’occupation de troupes du Bade et de la Saxe.
(Wikipedia)
Auxelles-Bas et Chaux sont deux petits villages, de ce qui alors n’est pas encore le Territoire de Belfort, situés au pied du Ballon d’Alsace.
Extrait des registres des actes de
décès de la Commune d’Auxelles-Bas
L’an mil huit cent quinze, le quatre juillet à l’heure de midi,
par devant nous Pierre François Girardey maire, officier de l’état civil
de la commune d’Auxelles-Bas, canton de Giromagny, arrondissement de
Belfort département du Haut-Rhin, sont comparus François Steinake, garde
forestier, et Georges Thondre, cultivateur, les deux domiciliés en la
dite Commune, lesquels nous ont déclaré que s’étant trouvés dans les
champs dits Sur la Côte, finage du dit Auxelles-Bas, ils ont vu passer
sept grenadiers hongrois sortant d’Auxelles-Bas et rencontrant sur leur
passage au lieu-dit "La fourche", finage du dit lieu, les nommés Nicolas
Liebelin avec Thérèse L’homme, son épouse et Nicolas Gaible, les trois
domiciliés en la Commune de Chaux, quittant leur domicile et marchant
contre Auxelles-Bas. Les dits grenadiers leur crièrent halte quand ils
furent près d’eux et saisirent d’abord Nicolas Gaible auquel ils prirent
un franc et vingt centimes de monnaie qu’il avait sur lui, et le dit
Nicolas Liebelin craignant le même sort, voulant les éviter par la
fuite, reçut à l’instant même un coup de fusil dont la balle lui entra
entre les deux épaules et lui sortit par l’estomac. Le dit
Liebelin tomba raide mort en présence de son épouse, grosse et sur le
point d’accoucher en peu de jours, laquelle ne pouvant retenir ses cris
légitimes et lamentables, fut encore couchée en joue et obligée à se
jeter à genoux et à demander pardon pour éviter le même sort que son
époux. Après cette déclaration, j’ai fait transporter le cadavre du dit
Nicolas Liebelin au corps de garde de la commune du dit Auxelles-Bas, et
sur la demande de la dite Thérèse Lhomme, son épouse, et celle de
Jacques Liebelin, son père, l’ai fait inhumer au cimetière de la dite
commune sans en avoir pu faire la reconnaissance et levée par les
officiers de police judiciaire et de santé du canton, attendu que les
troupes des puissances alliées occupaient Giromagny et d’autres communes
circonvoisines et conséquemment que toutes communications se trouvaient
interceptées.
En tout quoi avons dressé le présent procès verbal que les dits François
Steinake et Georges Thondre ont signé avec nous.
Acte original (EC d'Auxelles-Bas)
Par sa forme narrative inhabituelle qui "scénarise" le décès, cet acte révèle les difficultés dues à l'occupation sans doute peu connue de la France par les troupes de la coalition après la déportation de Napoléon en 1815.